Il y a déjà 2800 ans, la situation géopolitique qui amena le prophète Amos à se lever – à se soulever – n’était pas sans analogies avec notre époque. Le pays était traversé d’importantes inégalités que masquait une relative prospérité. « Les riches deviennent de plus en plus riches et les pauvres de plus en plus pauvres » aurait-il pu crier ! La coupe est pleine, nous dit-il. Elle déborde même.
L’iniquité a remplacé la justice. Les balances ont été faussées. Tout le mode attend que quelque chose se termine pour recommencer à produire, à consommer … Que la nuit cesse et que le jour revienne ; que la crise se termine et qu’on puisse reprendre le commerce.
Quand est-ce que tout cela va finir, me direz-vous ? Mais justement c’est ce qu’ils attendent ! Que cela cesse pour pouvoir tout recommencer. Il faut donc que Dieu s’en mêle. Lorsque l’homme est trop occupé à vouloir amasser sans interruption, c’est Dieu qui intervient. Et comment intervient-il ? Il fait se lever des hommes et des femmes qui viennent dénoncer l’injustice et nous empêcher de tourner en rond. Amos en est un.
Aujourd’hui encore, nous croyons que nous allons nous sauver en relançant la croissance. Et que ce soit en consommant encore plus ou en investissant dans l’économie, cela ne change rien au fond ; nous savons bien que le monde ne pourra pas supporter ce rythme très longtemps… Il n’empêche, nous ne savons pas faire autrement.
Nous pouvons continuer à croire que ce temps va finir, que la crise va passer et que nous pourrons bientôt continuer et reprendre une vie « normale » !
Mais le prophète nous a prévenu, ce qui doit finir finira ; et personne n’y échappera…. La question qui reste éventuellement, est : « Quel sens cela a-t-il ? »
Des événements qui ouvrent sur la faim et la soif
La manière dont Amos nous décrit la fin et les bouleversements qui doivent arriver, font écho aux récits de la Passion. Entendez :
« Le soleil qui se couche en plein jour, le tremblement de terre, les vêtements de deuil, … »
(Cf. Amos 8)
Tout cela nous le retrouvons dans les textes que nous lisons à Pâques, le vendredi soir.
Et ce que je retiens, c’est que, comme nous le raconte Amos, ces événements ouvrent sur la faim et la soif, non pas de pain et d’eau mais d’entendre, d’entendre une Parole. Et quelle est cette parole, si ce n’est le Christ lui-même ?
Face à une humanité qui s’abîme dans l’opulence et la richesse, au point de dévorer son prochain, Dieu fait surgir la soif et la faim. Voilà donc ce qui doit donc arriver : la faim et la soif. Notre espérance n’est pas l’abondance mais la faim ! Acceptons de ne pas être rassasiés mais d’avoir soif et faim de justice.
Pierre-Olivier DOLINO, pasteur-directeur de la Fraternité de la Belle de Mai (Marseille)