Depuis le recours de l’article 49.3 par le gouvernement, pour faire adopter le projet de réforme des retraites, les moins de 25 ans sont de plus en plus nombreux à manifester leur opposition au passage à 64 ans de l’âge de la retraite. Dans les manifestations, en bloquant des établissements, ils se mobilisent, mais pas seulement pour eux. “Le projet de société proposé ne nous convient pas. La sélection à 18 ans avec Parcoursup, la précarité, la pauvreté, ce sont les choix du gouvernement et on les refuse. Bloquer, c’est le seul moyen que l’on a de se faire entendre par le gouvernement”, explique Colin Champion, président du syndicat La Voix lycéenne, à La Montagne.

Signataires d’un communiqué commun, les organisations lycéennes, comme la Fidl et La Voix lycéenne, chiffraient à quelque 400 le nombre de lycées bloqués le jeudi 23 mars, dernier jour de mobilisation contre la réforme des retraites avant la journée du mardi 28 mars. “Depuis le début du mouvement, c’est plus de 1 500 établissements bloqués”, précise le document, alors qu’un appel “à des blocus reconductibles jusqu’à la fin de la semaine” a été lancé.

Distanciation sociale, bac

Plus nombreux à manifester depuis quinze jours, les jeunes n’ont “pas basculé tout de suite dans la contestation, car cette génération Covid n’a pas eu la transmission du savoir-faire militant à cause de la distanciation sociale qui a eu lieu pendant deux ans et puis les récentes épreuves de spécialité du baccalauréat n’ont pas favorisé leur mobilisation. Aujourd’hui, c’est en train de prendre. Et cela s’explique. La retraite, ce n’est pas dans si longtemps pour leurs parents et certains de leurs proches”, explique au quotidien Vincent Tiberj, sociologue et professeur d’université à Sciences Po Bordeaux.

Si bien que “la jeunesse soutient la contestation par empathie et solidarité avec leurs aînés”, ajoute Céline Marty, professeure agrégée et chercheuse en philosophie du travail. Ils pensent : “Regardez dans quel état sont nos parents : on ne veut pas qu’ils travaillent deux ans de plus”. Une solidarité qui se double, dans certains cas, d’“une aspiration à travailler moins et à ralentir”. En effet, pour cette génération souvent soucieuse des effets du réchauffement climatique, la réforme des retraites incarne une logique productiviste dépassée.

“La pénibilité du travail”

Très présents dans les manifestations, les jeunes actifs, eux, craignent de ne pas tenir jusqu’à la fin de leur carrière lorsqu’ils occupent des emplois physiquement ou psychologiquement éprouvants. “La pénibilité du travail fait que beaucoup de gens n’imaginent pas travailler deux ans de plus au vu de leur travail actuel”, confirme l’économiste du travail Thomas Coutrot. Selon une étude de la direction de l’animation de la

recherche, des études et des statistiques (Dares) publiée en 2019, 37 % des salariés ne s’estimaient pas capables de rester dans leur emploi jusqu’à l’âge légal de départ à la retraite. Un taux qui atteint 59 % chez les moins de 30 ans.