L’époque que nous vivons est trouble. Les démocraties semblent attaquées dans leurs fondements mêmes. La planète, sous pression de toute part, réagit avec force, inondant et asséchant des régions entières. Les communautés humaines se replient sur elles-mêmes ou migrent là où la vie est moins exposée. Les analystes nous parlent, pour la plupart, d’un affrontement à venir ou déjà-là, entre « eux » et « nous ». J’aimerais évoquer Gilles Deleuze, qui définit l’esprit nomade en le distinguant dès le début de la condition du migrant : « Le migrant va principalement d’un point à un autre, même si cet autre est incertain, imprévu ou mal localisé. La vie nomade, au contraire, prend la forme d’un parcours sans fin, et sans objectif. Les nomades viennent de nulle part et ne vont nulle part […] à l’inverse de ce qui se passe chez le sédentaire. Le point d’eau n’est que pour être quitté, et tout point est un relais et n’existe que comme relais. »
Deux visions du monde (et non deux clans, comme le formulait le journaliste, économiste et écrivain britannique David Goodhart) : la sédentaire versus la nomade, la statique versus la dynamique, la propriétaire versus la locataire, etc. L’une n’est pas meilleure que l’autre. L’une a besoin de l’autre pour survivre. Un monde statique meurt en se fossilisant ; un monde mobile s’épuise en se dispersant. Notons que la vie et l’esprit sont clairement nomades : on ne sait ni d’où ils viennent, ni où ils vont. Et nous les hébergeons pour un temps, comme l’oasis accueille le […]