L’ascétisme est traditionnellement défini comme une privation des plaisirs liés au corps en vue d’une fin supérieure, morale ou spirituelle. On pense au jeûne, à la restriction ou la sélection de certains aliments, à la chasteté et au refus de la jouissance de la chair, à la vie simple qui renonce aux plaisirs tactiles et esthétiques d’un mobilier raffiné.
Si l’ascétisme a longtemps été associé aux figures de l’anachorète et des ermites, et qu’il l’est encore, ne devrait-on pas discerner une nouvelle forme d’ascétisme chez ceux qui aujourd’hui mutilent leur peau par des injections, leurs muscles par des séances assidues à la salle de sport, leur système digestif par l’absorption de multiples compléments alimentaires peu assimilables ?
Au fond, nous gardons les deux idées qui prévalent dans cet askêsis originel : l’exercice physique et le genre de vie.
Dans ce nouvel ascétisme, l’idée demeure de cet exercice du corps dans la répétition des gestes et dispositifs qui le négligent, le blessent, l’atrophient.
Ce nouveau genre de vie n’est pas tourné vers un idéal moral mais vers le regard de l’autre.
L’idéal ascétique tient davantage à la désirabilité qu’à la pureté morale. Si l’une et l’autre peuvent être regardées avec suspicion, la première découvre sa vanité en ce que sa satisfaction est condamnée à décroître avec le temps.
On peut se croire nietzschéen, c’est-à-dire penser les idéaux ascétiques traditionnels mortifères, contraires à la vie, à l’affirmation de soi. On peut aussi se retrouver dans la description de l’ascétisme de l’artiste ou du philosophe qui méprisent leur corps au nom d’un bien plus grand. Cependant, cette esthétisation que nous voyons dans le nouvel ascétisme n’est pas volontaire, elle est soumission à une morale du désir.
On peut se demander si, dans ce nouveau régime, on ne se retrouve pas faussement moral et faussement désirable puisque s’y engager, c’est déjà s’y épuiser.