Tous ses engagements traduisent son indéfectible amour et soutien envers les autres et particulièrement les opprimés et les rejetés.

Dès le début de sa carrière, le psychiatre strasbourgeois a choisi d’aller à l’opposé de la pensée dominante du milieu médical où, selon lui, les patients sont catégorisés et mis en situation de passivité. « À la fac, je venais en djellaba ou en kilt. » Une manière à la fois humoristique et provocante – qu’il n’a jamais délaissée – pour dénoncer l’uniforme des blouses blanches. Celles-ci reflétant, selon lui, une posture médicale qu’il désapprouve et combat. Sa bonhommie perpétuelle cache une certaine radicalité qu’il assume volontiers. Son cabinet est l’un des rares en France qui reçoit majoritairement des sans-papiers et des toxicomanes. Et où les patients n’ont pas de rendez-vous à heure fixe et jugent eux-mêmes de leur médicamentation.

Juif par sa mère marocaine, il fustige également la radicalisation juive au sujet de la question israélo-palestinienne et milite pour que se côtoient un État juif et un État palestinien. À l’extérieur de son cabinet, il investit le terrain pour aller à la rencontre de ses futurs patients, accompagne les SDF avec l’association Les enfants de Don Quichotte, assure bénévolement des formations au collectif pour l’accueil des solliciteurs d’asile de Strasbourg (CASAS), prend la plume pour la revue Espoir de l’association colmarienne œuvrant pour les plus démunis. Parmi ses nombreux engagements, il en est un qui prend une place importante dans sa vie. Il souhaite porter à la connaissance du plus grand nombre les expérimentations médicales du professeur nazi Hirt de la faculté de médecine de Strasbourg lors de l’occupation allemande. Le cercle Menachem Taffel, qu’il a fondé et dont il est un membre actif, porte le nom d’un juif, dont le corps a été le premier identifié, parmi les 86 victimes connues depuis.

Jésus, un secours

Mais nager à l’inverse de la pensée dominante est usant, surtout quand le courant semble très fort et que vous essuyez la méfiance ou au mieux les critiques de vos semblables, et même la violence. En novembre 2005, un patient débarque dans son cabinet et tire mortellement sur son épouse Véronique Dutriez, le blessant aussi grièvement. Mais Georges Federmann, qui accepte si facilement la fragilité des autres, semble ne pas vouloir plier sous le poids de la misère humaine et des coups de la vie. Alors comment tient-il ? « Je plaide pour un cercle ‘écologique’ où je reçois autant que je donne. Je sais que je vais faire bondir les juifs en disant ça mais Jésus m’est d’un bon secours. » Et de citer deux paraboles : celle des ouvriers de la onzième heure « où chacun est appelé à faire partie de la communauté quelles que soient ses origines » et celle de la brebis égarée « qui invite à prendre soin des laissés pour compte et à avoir de l’estime pour eux ». Face à l’adversité, Georges Federmann a ces paroles ancrées au fond de lui : « Si on te frappe sur la joue droite, que mets-tu en place pour tendre l’autre joue ? »