Tout lecteur de la Bible (mais pas seulement) connaît l’histoire de Samson, dont la force résidait dans ses cheveux. Un ange était venu avertir sa mère qu’il ne devait pas être rasé et c’est grâce à cela qu’il développa une puissance exceptionnelle qui lui permit d’être juge (chef de guerre) pendant 20 ans. Quand Dalila perce son secret et lui coupe les cheveux, il est fait prisonnier par les Hittites ; voulant se moquer de lui, ils le font venir dans un palais. Mais entre-temps ses cheveux ont repoussé et Samson prie Dieu de lui redonner sa force juste le temps d’abattre les colonnes (Juges 12-16). Dans le texte, les deux éléments semblent liés, la prière et la repousse des cheveux… 

Pouvoir et mystique 

La croyance dans une force contenue dans les cheveux a traversé les siècles. Les mérovingiens, par exemple, ont été appelés « les rois chevelus » en raison du pouvoir associé à une longue chevelure. Théorisée par Grégoire de Tours, qui puise ses références notamment dans l’histoire de Samson, la symbolique reste forte jusqu’à la fin de la dynastie, puisque c’est en faisant raser le dernier prétendant mérovingien, Childéric III, que Pépin le Bref prend le pouvoir.

Dans l’Église, deux attitudes contradictoires s’observent. En Occident, la consécration à Dieu entraîne la tonsure pour les hommes qui entrent au couvent ; les femmes ont les cheveux coupés. Chez les orthodoxes, au contraire, les popes se gardent bien de raser leur barbe et leurs cheveux, ramassés en chignon au sommet du crâne. La justification se trouve dans la Genèse car « Dieu a créé l’homme à son image ». Se couper les cheveux et la barbe reviendrait à ne pas vouloir Lui ressembler.

Séduction et virilité

Dans un registre plus léger, le musée des Arts décoratifs organise une exposition jusqu’à la rentrée sur le thème capillaire. Avec 600 œuvres présentées, dont la plus ancienne remonte au xve siècle, le visiteur sera frappé par l’extrême diversité des coiffures et l’imagination apparemment sans limite de ceux qui les ont conçues. Selon la période, le cheveu long pour les hommes est un signe de virilité ou au contraire de regrettable dérive, signe de la décadence occidentale (dans les années 1960-1970).

Chez les femmes, une longue chevelure est un outil de séduction, volontairement ou non. Laissée libre, elle est réservée à l’intimité, sinon elle doit être dissimulée sous un bonnet pour celles qui travaillent, arrangée plus ou moins savamment pour les autres. Suivant un commandement de l’apôtre Paul, les femmes doivent avoir la tête couverte en public, ce qui s’observe au moins à l’église jusqu’à l’époque contemporaine. En revanche, c’est dès la Renaissance que les coiffures deviennent de plus en plus extravagantes dans la haute société, véritable marqueur social et identitaire. Aujourd’hui, la mode n’impose plus de distinction entre les sexes, cheveux longs et courts sont indifféremment portés par les uns et les autres. Chercher à complaire à Dieu par ce biais n’est plus un sujet dans les sociétés chrétiennes occidentales mais il l’est toujours dans de nombreux pays dans le monde. Il n’est pas interdit, en quittant l’exposition, d’avoir une pensée pour toutes les femmes contraintes de dissimuler leurs cheveux avant de sortir.

Des cheveux et des poils, du 5 avril au 17 septembre au musée des Arts décoratifs – 107 rue de Rivoli, 75001. De mardi à dimanche de 11 h à 1 h, jusqu’à 21 h le jeudi.