Après le relatif échec du premier meeting de Valérie Pécresse, le littérateur Patrice Soler explique de quelle manière, aujourd’hui, l’art oratoire conserve toute son importance.
Frédérick Casadesus
21/02/2022
Le blog de Frédérick Casadesus
Quand les critiques pleuvent, il est essentiel d’ouvrir un parapluie dialectique. Au lendemain de sa prestation jugée ratée, Valérie Pécresse a déclaré :
« Si vous voulez des orateurs, il y en a plein dans la campagne. Le sujet aujourd’hui c’est qu’est ce qu’on veut pour la France ? Des beaux parleurs qu’on a déjà eus depuis 10 ans ou quelqu’un qui va faire? Moi je suis une faiseuse ».
Pour être honnête, on n’avait guère observé que la politique nationale était peuplée d’orateurs et que, depuis dix ans, les beaux parleurs occupaient l’Agora. Chacun pourrait citer mille exemples de responsables politiques de premier plan s’exprimant de manière chaotique, usant d’un français de bazar (et encore, pourquoi dire du mal d’un magasin qui ne nous a rien fait ?), déclarant « La France elle a… », « Moi je vous dis… », détruisant notre langue au marteau piqueur de leur paresse. Mais admettons: si les protestants n’apprécient guère les indulgences, ils peuvent avoir un peu de compassion. La question que nous voudrions poser, plus d’une semaine après les faits- après l’effet ?- concerne justement l’importance et le rôle d’une prise de parole dans le champ politique, en un mot comme en cent, nous voudrions savoir ce qu’il reste aujourd’hui de l’art oratoire.
« A Rome, on considérait qu’un orateur devait être à la fois un homme de bien et disposer d’une excellente capacité à s’exprimer : bien dire, c’est dire le bien, nous déclare Patrice Soler, longtemps professeur de khâgne au Lycée Louis-Le-Grand, qui vient de publier «Cicéron, Quintilien, Saint-Augustin, l’invention de l’Orateur » (Gallimard, 481 p. 18 €). Pour atteindre ce niveau d’exigence, il était indispensable de suivre une ascèse à la fois physique et intellectuelle. Un orateur idéal –terme qui vient du grec idéa qui signifie « la forme »– doit maîtriser la technique des exercices vocaux et la gestuelle, mais au service de la vérité. Pour les Anciens, l’orateur devait s’élever au dessus de lui-même, arracher l’auditoire à la contingence des situations pour le hisser à la hauteur des enjeux essentiels. »
Des règles fondamentales
On vous entend déjà crier que les temps changent, que nous ne sommes plus aux premiers siècles de notre ère, et que la télévision, Internet et les téléphones portables rendent caducs pareils principes. Ah oui ? Mais alors, pourquoi nous serine-t-on depuis dix jours que Valérie Pécresse a reçu les conseils d’un avocat, d’un comédien – lequel s’est lâchement dédouané, déclarant qu’il n’était pour rien dans le naufrage du Zénith–? En réalité, toute prise de parole publique obéit, de nos jours encore, à quelques règles fondamentales, qui consistent à bien placer sa voix, son corps, à joindre le geste à la parole.
« Bien sûr, il est difficile de se passer de communicants dans la mesure où les moyens de communication changent sans cesse, reconnaît Patrice Soler ; d’ailleurs en fondant la médiologie, Régis Debray nous a invités à disséquer l’importance et la spécificité du médium au sein des sociétés contemporaines. Mais les règles édictées par les Anciens tiennent toujours debout. Quand Cicéron s’exprimait, les passions se déchaînaient d’une manière autrement plus violente qu’aujourd’hui. Loin de les considérer comme impures, l’illustre consul estimait qu’il fallait les articuler avec une argumentation très exigeante.»
Ici se situe le point névralgique de la démonstration : l’orateur authentique est celui qui porte une vérité.
Patrice Soler observe que le nom «orateur » partage la même origine que le mot « bouche ». Autrement dit, l’artifice et le mensonge lui sont interdits. Les grands discours proférés depuis vingt ans n’échappent guère à cette loi. Qu’importe que ce soit Henri Guaino qui ait trouvé cette formule : « petit français de sang mêlé », quand Nicolas Sarkozy l’employa, durant son meeting de campagne en janvier 2007, il a dit quelque chose de lui-même que les électeurs, y compris ceux qui le détestaient, reconnaissaient comme une vérité touchante, émouvante, qui le grandissait. Inversement, devenu président, quand le même homme a usé de l’injure, il a ravalé sa fonction. « Toute facilité de langage dégrade l’orateur, analyse Patrice Soler. Lorsque Nicolas Sarkozy ou Emmanuel Macron dérapent, ils semblent dire : « Je parle comme vous, donc vous pensez comme moi » … ; c’est une arme de sophiste, loin de la rigueur constante de l’expression chez l’Orateur. »
En cherchant à être quelqu’un d’autre, Valérie Pécresse a fait fausse route. Elle s’est souvent référée à Margaret Thatcher et Angela Merkel et l’on comprend pourquoi : ces deux femmes, qui plus est femmes de droite, ont occupé les plus hautes fonctions politiques dans leurs pays respectifs. Mais la candidate LR doit d’abord incarner sa propre vérité. Les artistes lui enseigneraient cela sans problème : il ne sert à rien de sur-jouer, seule compte la puissance du sentiment intérieur. Une pianiste a beau frapper des touches qui frappent, à leur tour, des cordes, c’est son intention qui commande et provoque l’émotion; la comédienne fait croire à ce qu’elle joue parce qu’elle donne aux mots qu’elle prononce une indiscutable vérité provenant de son moi.
« Saint Augustin nous rappelle que l’homme intérieur est plus important que la performance, ajoute Patrice Soler. Un homme ou une femme d’État doit s’extirper des contingences quotidiennes grâce à une profonde culture philosophique et littéraire, donc savoir se retirer du monde, pour formuler ensuite sa pensée avec la justice et la justesse de la langue et de la pensée les plus sûres. La femme ou l’homme d’État doit en permanence analyser l’esprit du temps, mais doit le réguler au nom d’un Bien commun aussi clairement formulé que possible. »
Tout cela tient de l’alchimie, du mystère, de la rencontre entre un personnage et les circonstances. Dans son ouvrage « Le sorcier de l’Elysée », notre confrère François Bazin montrait que Jacques Pilhan s’était imposé comme conseiller en communication de François Mitterrand parce qu’il avait trouvé le moyen d’ajuster la personnalité profonde d’un homme politique à l’évolution de son époque. Il reste à Valérie Pécresse un mois et demi pour incarner la force tranquille…
Le blog du journaliste Frédérick Casadesus, auteur notamment de "Douze protestants qui ont fait la France", aux éditions du Cerf. Frédérick Casadesus est un collaborateur régulier de Fréquence Protestante, du journal Réforme et de Regards protestants.
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