Les deux camps sont dos à dos. Au cœur du débat, les défenseurs de la cause animale mettent en avant qu’une espèce animale ne peut pas être un modèle de biologie fiable pour une autre, rendant ainsi absurde toute souffrance liée à l’expérimentation. Deux espèces différentes ont des gènes différents et vont réagir à un stimulus donné (stress, maladie, agression chimique ou physique…) de manière propre. À un même stimulus, les réactions des espèces seront semblables, différentes ou opposées, on ne le saura qu’après les y avoir toutes deux exposées. Les scientifiques objectent que des proximités sont observées. Les protocoles précisent quel animal ou quel tissu doit être utilisé selon la recherche envisagée. Les opposants rappellent la possibilité de réactions adverses (survenue de maladies de type cancer ou Alzheimer) qui se déclenchent des années plus tard chez l’homme, sans que l’on puisse se référer à son « modèle » animal, disparu depuis longtemps.
D’une utilisation nécessaire…
Les équipes cherchent des procédures de validations moins coûteuses, plus rapides et plus fiables. Quoi qu’en disent leurs détracteurs, les expérimentations ne sont pas faites sans encadrement. Depuis longtemps, la recherche tente de limiter l’utilisation des animaux et leur souffrance. Récemment, la directive de 2010, appelée aussi 2010/63/UE, basée sur la « règle des 3R » insiste sur trois points : quand cela est possible, on remplace et on réduit l’utilisation d’animaux à des fins expérimentales ; on raffine également les conditions d’élevage, d’hébergement et de soins, ainsi que des méthodes expérimentales utilisées, afin d’éliminer ou de réduire au minimum toute douleur, souffrance ou angoisse ou tout dommage durable susceptible d’être infligé aux animaux (en anglais, Replace, Reduce, Refine, soit remplacer, réduire, améliorer, principes établis dès 1959). De ce fait, la recherche scientifique à partir de l’expérimentation animale a un coût non négligeable, qui pèse dans une compétition internationale de plus en plus pointue.
… à une expérimentation sans animaux
Pour Jean-François Béquain, président de Pro Anima et professeur de chirurgie dentaire à l’Université de Bordeaux, le concept de modèle animal pris comme substitut à l’homme est un concept archaïque et inadapté, particulièrement dans le domaine de la toxicologie. Il reconnaît cependant que l’expérimentation animale peut être utilisée dans des cas extrêmement limités. Pour les autres situations, il existe des solutions : En matière de toxicologie, avec différents laboratoires, « Pro Anima » a mis au point un test de toxicité produit par l’intermédiaire de cellules humaines de culture : nous avons la certitude que sa prédictivité est meilleure que celle des tests sur les animaux. D’autres méthodes alternatives voient le jour : in silico, grâce à des simulateurs permettant de reproduire les organes en 3D, par l’utilisation de peptides ou encore en y substituant des végétaux.
Grâce à ces nouvelles méthodes et aux prélèvements archivés, le nombre d’animaux auquel la recherche a recours décroit progressivement. Les progrès scientifiques fulgurants envisagent déjà les contours d’une science plus éthique : modélisation de micro-organes à base de tissus humains, création de bases de données permettant de reproduire avec une plus grande exactitude des réactions chimiques, logiciels permettant de tester des substances directement à partir d’une simple prise de sang, les progrès de la biologie moléculaire, cellulaire, génomique, bio marqueurs… Autant de recherches qui contribuent à une science révolutionnaire au service de l’homme et respectueuse du règne animal.