Le Grenelle des violences conjugales s’est ouvert le 3 septembre 2019, mais cinq ans après, les associations demandent davantage d’efforts à l’État. Elles soulignent des retards dans la mise en œuvre des mesures, ainsi que des manques de financement. Pour rappel, le Grenelle contre les violences conjugales avait rassemblé pendant trois mois des associations et des responsables politiques pour parler des violences qui touchent plus de 240 000 personnes, dont 86% sont des femmes, selon les chiffres du ministère de l’Intérieur publiés en janvier 2024. Les mis en cause lors de ces violences sont à 87% des hommes et seulement une victime sur quatre de violences conjugales a porté plainte, note également le ministère. À la suite du Grenelle, 46 mesures avaient été annoncées, dont plusieurs qui ont été effectives immédiatement, comme les "téléphones graves danger", les bracelets anti-rapprochement, l’extension des horaires du numéro d’urgence 3919, de nouvelles places en hébergement d’urgence, la délivrance plus rapide d’une ordonnance de protection ou encore la formation des policiers et des gendarmes, rappelle La Croix.

En 2019, à la clôture du Grenelle, le collectif féministe NousToutes, engagé contre les violences faites aux femmes, avait publié un communiqué pour dire sa "déception" à l’issue des trois mois de consultations. Le collectif pointait le fait que de nombreuses mesures annoncées existaient déjà et que la somme allouée contre ces violences n’avait pas augmenté. Pour les cinq ans du Grenelle, les responsables d’associations notent qu’une mobilisation et une sensibilisation autour des violences conjugales ont eu lieu à la suite de l’événement, mais que le budget alloué est encore insuffisant.

Une baisse du budget alloué par victime de violences conjugales

Le budget de l’État contre les violences conjugales a augmenté, passant de 126,8 millions d’euros en 2019 à 171,7 millions en 2023. Cependant, cette augmentation "masque une baisse des dépenses par victime", de 1 310 € à 967 € entre 2019 et 2023, soit une diminution de 26 %, indique la Fondation des femmes. Interrogée par La Croix, Mine Günbay, directrice générale de la Fédération nationale Solidarité Femmes, souligne un message contradictoire de l’État qui dit vouloir s’investir contre les violences conjugales, tandis que les associations subissent des baisses de financement.

Depuis 2017, les violences au sein du couple ont augmenté de 106 % indique l’Observatoire national des violences faites aux femmes, dont les chiffres sont repris par Alternatives économiques. L’affectation des moyens de l’État pose aussi question, à l’image de la prise en charge des conjoints auteurs de violence, qui est rattachée au budget de l’égalité hommes-femmes. Le Haut Conseil à l’égalité recommande un financement sur le budget du ministère de la Justice. De plus, le budget dédié à l’éducation à la vie affective et sexuelle est considéré comme insuffisant. En 2023, le ministère de la Justice avait recensé 94 féminicides par conjoint ou ex-conjoint dans un bilan provisoire. De son côté, le collectif Féminicides par compagnons ou ex, qui effectue son propre recensement, avait déjà compté 102 féminicides pour cette même année, indique franceinfo. Par ailleurs, certains décès, comme les suicides forcés de femmes ne sont pas comptés. "Selon une estimation que nous avons faite lors du Grenelle des violences, il y a en moyenne 200 femmes qui se suicident chaque année en France à la suite des violences qu’elles ont subies", explique Yaël Mellul, ex-avocate et juriste spécialisée dans les violences conjugales.