Rencontrer Xavier Emmanuelli est une expérience qui marque, touche profondément et appelle en même temps à la foi. Une réalité qu’il serait dommage de passer sous silence ici.
Celui qui vient de quitter ce monde avait publié en 1995 un livre bouleversant, Dernier avis avant la fin du monde, qui résume au fond le cœur de sa pensée et de sa foi. Il y décrit sa pratique de médecin urgentiste sur les théâtres de guerre. Et livre, comme à propos du Samu social qu’il avait créé, une sorte de désespoir éthique face aux violences faites aux humains. Il raconte le tri impossible des blessés, le sentiment d’impuissance, la conscience déchirante de ne pouvoir sauver assez d’enfants.
Le médecin n’est plus alors qu’un « comptable de la mort ». L’urgence impose l’impossible, explique-t-il : faire comme si la mort n’existait pas, alors qu’elle nous saute au visage. On ne soigne plus pour guérir, on soigne pour maintenir un semblant de dignité, pour ne pas devenir fou soi-même. La logique du sauvetage individuel est brisée par l’ampleur de la tragédie, elle n’est plus qu’une course désespérée. Comme si la souffrance n’était qu’un événement aléatoire sans trace ni sens.
Et c’est à ce point-là que naît pour lui la foi en Dieu. Contre l’absurdité totale du désastre, l’humanitaire laisse entrevoir une lumière, celle d’un Dieu qui peut seul « recueillir » cette souffrance. Xavier Emmanuelli écrit : « Il ne me semble pas possible que tant de souffrance, que tant de douleur ne soit pas recueillie quelque part, quelque part où elle pourrait avoir un sens. Si elle n’était pas recueillie, le monde n’aurait plus d’âme et l’humanité serait purement et simplement absurde ».
Jean-Luc Mouton, journaliste, pour « L’œil de Réforme »
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