La coopération comme rempart à la toute-puissance dans l’Église : sortir des fausses croyances (1/3)

Marie-Christine Carayol nous propose une série de trois articles sur le lien entre coopération et toute-puissance. Voici le premier.

Dans 1 Corinthiens 12.26 nous lisons : Et si un membre souffre, tous les membres souffrent avec lui… Souvent nous comprenons ce verset comme « se forcer à ressentir de l’empathie et à prier pour une personne qui est malade dans l’Église ». Pourtant, nous voyons clairement ici qu’il s’agit d’une relation de cause à effet spontanée, car admettons-le, ce n’est pas parce qu’un membre de l’Église souffre que nous devons systématiquement être en souffrance nous-mêmes.

De quelle souffrance pourrait-il s’agir alors ? Cela me fait penser à la problématique sur laquelle nous nous sommes penchés avec le Réseau d’Aide au Ministère (RESAM) au mois d’octobre dernier. Lors d’un séminaire avec Édith Tartar-Goddet, nous avons abordé le sujet de la toute-puissance dans l’Église.

L’oratrice a été, pendant 20 ans, psychologue dans le monde scolaire puis ecclésial. Par ses recherches, ses partages et les interventions des uns et des autres, nous avons pu voir dans quelles circonstances, un membre en souffrance, même s’il ne l’admettra jamais, peut affecter la santé globale du corps de Christ rassemblé dans l’Église locale.

À un moment, nous avons abordé la question du « contenant » pour ces personnes : l’Église, par les utopies qu’elle peut véhiculer, est bien souvent un lieu qui favorise la mise en œuvre de la toute-puissance humaine, mais elle peut aussi, en s’organisant, la contenir…

Et c’est là que j’ai fait le lien avec les questions de conflit et de gouvernance partagée que je développe autour de la coopération, lien qui a fait sens pour l’intervenante et les participants. Cet article organisé en trois volets me donne l’opportunité d’éclaircir le propos.

Toute-puissance dans l’Église, de quoi parlons-nous ?

Nous parlons de personnes qui mettent en œuvre des forces de sabotage en vue de détruire une dynamique d’harmonie dans un groupe, dans lequel coexistent opinions et points de vue différents, pour en perturber son fonctionnement. Ce faisant, elles pensent faire ce qui est bon, juste et parfait.

Ces personnes dysfonctionnelles jouissent de coudées franches dans une communauté, qui, pour des enjeux et croyances qui lui sont propres, leur laissent toute la place.

Car il nous est difficile de penser que l’être humain est partagé ou divisé, division constitutive de notre humanité caractérisée par les contraires : amour et haine, bonté et méchanceté. C’est une souffrance nécessaire avec laquelle il faut composer : sans la perception et la reconnaissance de cette division interne, l’humain est conduit sur le chemin de la toute-puissance. (…) Arriver à penser qu’un membre engagé, bienfaiteur et actif dans l’Église puisse à certains moments produire des faits de violence dans la communauté, c’est accepter sa propre division intérieure.

Le concept de toute puissance est emprunté à la psychanalyse. La personne ne se perçoit pas telle qu’elle est, mais telle qu’elle a envie d’être, en tout point. Elle vit dans l’illusion de son moi-idéal. Édith Tartar-Goddet a distingué trois caractéristiques principales chez la personne en toute-puissance dans l’Église :

  • Elle se croit omnisciente. Elle se pose comme référente, elle sait ce qui est bon, elle brille et se montre ultra-dévouée. Elle ne doute pas.
  • Elle se croit omnipotente. Elle croit en ses qualités et capacités. C’est elle qui impose les règles et les lois pour les autres, mais pas pour elle-même.
  • Elle est omniprésente. Elle […]