Il n’y a pas qu’au Proche-Orient ou en Ukraine qu’une guerre endémique affecte gravement la vie et la santé des populations civiles. Depuis son indépendance, le Soudan connaît une série continue de guerres civiles. Aux facteurs ethnique et religieux de dissensions régionales s’ajoute la rivalité fratricide de généraux avides qui, de coup d’État en coup d’État, se conduisent comme de véritables chefs de guerre, semant la terreur partout où leurs armées sévissent.
Les effets en sont quasiment les mêmes : déstabilisation régionale, déplacements forcés de millions de Soudanais, risques d’une famine oblitérant l’avenir des enfants, milliers de morts déjà comptabilisés depuis la reprise de la guerre il y a moins de deux ans. On sait de source sûre que plus de la moitié des 45 millions de Soudanais ont un besoin urgent d’une aide humanitaire pour survivre.
Le court épisode de transition démocratique qui, en 2018, avait mis fin à trente ans de dictature, avait pourtant donné beaucoup d’espoir, tant dans le pays lui-même qu’à l’étranger. Il s’est définitivement clos en 2021 par la prise de pouvoir de militaires, d’abord associés puis devenus rivaux, épaulés par des bandes armées prédatrices. Ceux-ci bénéficient d’importants soutiens tant logistiques que financiers de la part de pays étrangers qui convoitent les richesses minières et agricoles du pays, dans une logique post-coloniale qui ne dit pas son nom.
Que fait dès lors la communauté internationale ? Pas grand-chose. Et depuis les deux mandats d’arrêt prononcés par la CPI à l’encontre d’Omar el-Béchir pour crime de guerre et génocide en 2009-2010, elle apparaît particulièrement discrète, illustrant une fois de plus le phénomène du « deux poids deux mesures » qui semble désormais gouverner la politique mondiale.
Valentine Zuber, historienne, professeure à l’université, pour « L’œil de Réforme »