La réalisatrice Isabelle Brocard s’est intéressée à la figure de Marie au fil des siècles. Son documentaire en deux parties, Tout sur Marie, est diffusé sur Arte.tv jusqu’au 3 février 2025 et à l’antenne le 5 janvier à 16h50.

Ce sont deux mille ans d’histoire des représentations artistiques de cette figure iconique et des rôles qui lui ont été attribués qui sont ici proposés. Car Marie, la mère de Jésus, est la femme la plus représentée au monde et, pour se faire, elle a pris d’innombrables visages : fille mère, déesse, reine du ciel, guerrière… Tour à tour politique, muse ou protectrice, cette « Vierge bénie entre toutes les femmes » raconte en creux l’histoire des sociétés qui la vénèrent. Mais Marie a-t-elle encore quelque chose à nous dire ? Que peut-on apprendre de nos sociétés en explorant les représentations d’une jeune fille juive devenue la femme la plus célèbre de l’humanité ? Qu’a-t-on voulu lui faire dire ? Ce sont quelques-unes des questions qu’aborde la réalisatrice Isabelle Brocard en s’appuyant, pour y répondre, sur les éclairages d’un large éventail de spécialistes : historiens de l’art, conservateurs de musée, psychanalystes, anthropologues… mais aussi, naturellement, des théologiens, ou plutôt des théologiennes venues des quatre religions monothéistes : Anne Soupa (théologienne catholique), Delphine Horvilleur (rabbine et philosophe), Sherin Kankahn (imame de la mosquée Mariam à Copenhague) et Marion Müller-Collard (pasteure, théologienne protestante, écrivaine).

« L’Annonciation » de Lorenzo Lotto, huile sur toile, 1528

À travers deux épisodes retraçant près de deux mille ans d’histoire, elle interroge le visage sibyllin et protéiforme de la mère de Jésus, détaillant les différents rôles qu’elle a endossés à travers les siècles pour servir l’Église, les nations ou le patriarcat. On a fait dire à Marie ce qu’on voulait, explique la réalisatrice, qui ausculte cette figure éminemment plastique, reflet des peuples qui lui vouent un culte et réceptacle des représentations que chacun mobilise en fonction des contextes et des besoins. Avant qu’elle devienne une égérie de la pop culture et une source d’inspiration pour les artistes contemporains qui vont donner une voix libre et singulière à cette icône jusque-là silencieuse.

Partie 1 : « Cet obscur objet du désir »

Cette première partie retrace l’évolution de la figure de Marie, depuis ses premières représentations dans l’art chrétien primitif jusqu’à son incarnation comme symbole féminin universel. Le documentaire s’intéresse à la manière dont Marie est devenue une icône, à la fois objet de désir et modèle de pureté. Isabelle Brocard explore l’ambiguïté qui entoure la Vierge, entre image de la mère idéale et projection de fantasmes masculins à travers les siècles. En parcourant les œuvres d’art et les textes religieux, le film met en lumière la construction progressive de cette figure complexe. Marie est à la fois vénérée comme sainte, mais son image est aussi investie par des idéaux culturels souvent en décalage avec sa représentation religieuse stricte.

Dominique Desjeux à Santa Maria Antiqua

Partie 2 : « Une icône sous influence ? »

Dans la seconde partie, le documentaire se penche sur la manière dont Marie continue d’imprégner la culture contemporaine, notamment en dehors de la sphère religieuse. Isabelle Brocard montre comment Marie a évolué pour devenir une figure iconique au sein de la pop culture, utilisée dans l’art contemporain, le cinéma, et même la mode. La Vierge, autrefois symbole de soumission et de piété, est réinterprétée par des artistes modernes, des féministes et des intellectuels, qui en font un symbole de force, de résistance et d’émancipation. Le film met également en lumière l’usage de Marie dans des contextes variés, comme la publicité et les campagnes sociales, où elle incarne des valeurs universelles de protection et de réconfort.

Avec Tout sur Marie, Isabelle Brocard propose certainement une analyse approfondie et nuancée de cette figure religieuse, montrant son influence culturelle et spirituelle.