Depuis juillet 2020, aux Etats-Unis, une vague massive de démissions est en marche, comme une lame de fond qui ne semble pas s’arrêter. De plus en plus de salariés – et la très grande majorité des millenials  – ces jeunes nés aux alentours des années 2000 –  quittent volontairement leur job pour aller vers « un autre vie », avec moins de contraintes et plus de sens. Leur motivation est sans appel : ils ne veulent plus passer leur vie à la perdre. C’est en tout cas la vision qu’ils ont du travail.

Voilà encore un des dommages collatéraux de la crise sanitaire, qui après ses vagues et variants successifs, et leurs conséquences sur la santé physique mais aussi mentale, se propage désormais au secteur économique. Le big quit (grande démission) est un phénomène massif puisqu’en 2021 on estime que, chaque mois, 4 millions de personnes ont donné leur démission aux États-Unis.

D’autres pays, comme le Japon, l’Angleterre ou l’Australie suivent ce même mouvement, et la France n’est pas en reste, même si les raisons en sont sans doute différentes. En 2021 la DARES[1] a enregistré plus de 500 000 démissions par trimestre, dont 80% de salariés en CDI – mais aussi plus de 450 000 ruptures conventionnelles sur l’année, une autre manière de se séparer bons amis. Tous ces chiffres montrent une hausse notable par rapport aux années précédentes.

Le marché et les salariés bougent

Les sociologues constatent que les périodes de reprises post-crise offrent toujours des opportunités qui incitent à trouver un meilleur job.

La rémunération ou la perspective d’évolution reste un argument majeur sur l’intérêt d’un poste, et en changer permet souvent de trouver ailleurs la croissance qu’on n’obtiendra pas dans son emploi actuel.  Les vrais changements de vie existent, même s’ils demeurent malgré tout minoritaires. Parmi ceux qui sont partis s’installer dans une autre région, certains ont changé de métier, mais d’autres font des allers-retours réguliers ou sont tout simplement revenus.

Mais ce qui inquiète le plus, c’est la difficulté à recruter sur les emplois vacants – et en particulier les plus jeunes ou les plus qualifiés. Sans surprise, les secteurs les plus touchés sont les plus exigeants en termes d’horaires ou d’obligations : restauration, hôtellerie, commerce, distribution… Contraignants et faiblement rémunérés, ils sont massivement boudés. Mais le secteur tertiaire n’y échappe pas non plus, et les salariés veulent désormais une qualité de vie au travail dans laquelle le télétravail et la délégation en confiance leur permettent aussi de conserver une vie personnelle épanouissante. Finies les « charrettes » jusqu’à minuit !

Plus récemment, un autre phénomène a émergé, porté par des utilisateurs du réseau TikTok, le quiet quitting, un terme devenu viral. Ces jeunes salariés se filment en train d’expliquer pourquoi ils en font moins. Cette fois, il ne s’agit plus de claquer la porte, mais de faire son boulot, dans le strict respect de son contrat de travail : missions, horaires, RTT, vacances… Ni plus, ni moins. Certains le traitent de manière humoristique comme John (vidéo en anglais), qui simule un échange avec son boss. La conclusion est simple : où est son intérêt à travailler plus ? Cette stratégie montre bien le désamour pour un poste dans lequel on n’a plus envie de s’investir pour rien. La motivation est au plus bas

Comment réenchanter le travail ?

Devant la fuite des talents les entreprises vont devoir faire preuve d’imagination pour réinventer le rapport au travail.

En 2022, la semaine pour la qualité de vie au travail a récupéré un « C » dans son titre pour intégrer « la qualité de vie et des conditions de travail. ». La manière dont on travaille est désormais également prise en compte.

Les recruteurs et les responsables des ressources humaines ont fort à faire. Ainsi, on n’attire plus de nouveaux candidats qui vont s’impliquer en leur faisant seulement miroiter des tickets-restaurant ou une bonne mutuelle.

Au-delà d’un lieu de travail agréable, le contenu du travail importe aussi. Il est temps de faire évoluer certaines méthodes de management (ou de managers), pour que la confiance mutuelle dope la motivation.  La majorité des salariés en télétravail au printemps 2022 ont prouvé qu’ils restaient tout aussi performants à distance, et sans « flicage » de leur chef. Et certaines entreprises offrent déjà davantage de flexibilité sur le lieu ou les horaires de travail, avec une latitude sur la manière de se gérer, dès lors que les missions sont remplies.

Quant aux grands groupes, dont le formalisme peut apparaître comme sclérosant, ils proposent désormais à leurs éléments les plus impliqués de développer des start-ups internes, pour retrouver innovation et intérêt, ou encore de s’engager dans du volontariat d’entreprise pour donner du sens.

Vous avez envie de bouger et démissionner vous démange ? Dans le prochain article, nous envisagerons les bonnes questions à se poser, et la meilleure stratégie à adopter.


[1] Direction de l’Animation de la recherche, des Études et des Statistiques