Elle paraît avoir tout d’une petite communauté, avec ses cent dix familles membres. Elle aurait pu labourer tranquillement son champ, centrée sur son temple et son pasteur. Mais en y regardant de plus près, le Conseil presbytéral s’est rendu compte des caractéristiques particulières de la paroisse.
Le champ habituel s’est élargi
Tout autour de cette ancienne ville de grande banlieue, les villages et les habitations ont poussé comme des champignons depuis vingt ans et les réseaux routiers et ferroviaires se sont développés au point que la ville se situe aujourd’hui au cœur d’un maillage urbain continu le long de la Seine. Plus de la moitié des familles connues viennent aujourd’hui de communes alentour, parfois éloignées d’une demi-heure en voiture. Si bien qu’on a du mal à identifier si les cent personnes qui ne viennent pas régulièrement au culte se sentent peu intéressées, gênées pour venir ou délaissées.
Pourtant, il y a cinq cents abonnés au journal paroissial, donc une demande réelle. Les jeunes sont présents avec leurs familles, la paroisse est pleine d’énergie, l’accueil sympathique… Cela donnerait presque l’impression à certains que le potentiel de témoignage ou de rencontre n’est pas totalement pris en compte. Alors le Conseil a pris la réalité à bras le corps.
Un nouveau maillage est nécessaire
Est-ce que les paroissiens s’usent à se déplacer ou est-ce qu’ils s’éloignent du temple ? L’Église choisit de venir à eux. Certains apprécient modérément la religion dans son langage théologique ou doctrinal ? L’Église privilégiera la rencontre et l’expérience de vie spirituelle. D’autres veulent découvrir sans risquer de se retrouver embarqués dans un groupe qui se connaît trop bien ? Les lieux de rencontre seront neutres.
Car la conviction qui naît alors est celle d’une communauté plurielle, dans sa composition, sa géographie, ses cultures, ses expériences de foi, peut-être même dans ses visions de ce que doit être l’Église. Car si l’on sent que l’institution ecclésiale ne fait plus rêver, le besoin d’être accueilli augmente sans cesse, tous âges confondus et quelles que soient les origines des personnes. Si bien qu’aucune semaine ne se passe sans que de nouveaux venus pointent leur visage à l’entrée du temple.
Face à la continuité urbaine qui a remplacé les petits villages isolés, la paroisse doit donc à la fois pénétrer le maillage citadin moderne et répondre à la demande d’expérience vivante.
Renforcer le scoutisme
De sa voix énergique, Valérie Renaud explique que cette volonté de dynamiser le tissu paroissial s’est d’abord traduite il y a quelques années par une première action vis-à-vis du scoutisme, pour aider à renforcer son ancrage local. Traditionnellement assez présent à Poissy, le mouvement de jeunes avait perdu son élan et une part de ses racines ; le groupe local devait être soutenu. À force de semer des contacts et des temps de discussion, le groupe local est en essor et a retissé les liens avec les familles de la communauté. Les jeunes pousses feront de bons responsables à l’avenir, sans doute soucieux de la perméabilité scoutisme-Église si bénéfique aux deux parties.
Placer la Parole au plus près
Mais une autre expérience a été fondatrice. Pour célébrer le culte durant la période de Covid, le Conseil presbytéral avait initié un culte le samedi soir, pour diviser en deux la fréquentation normale. Or cette nécessité sanitaire a dévoilé des attentes de la part de paroissiens jusqu’ici occasionnels, qui se sentaient plus disponibles le soir, d’autant que l’ambiance et le style d’une assemblée en fin de journée sont forcément différents de ceux d’une matinée. Le projet propose donc une proximité le samedi soir, géographique et de style, pour privilégier les partages en famille.
Trois lieux d’accueil possibles ont été identifiés, chacun avec sa spécificité. Une expérience a donc été tentée autour de Verneuil-Vernouillet. Après une première séance en juin ressemblant à un culte, tout est à construire en tenant compte de ceux qui sont venus. Les musiciens sont l’archet au pied, la volonté de vivre un temps nouveau et d’autres modes d’expression sont annoncés, la salle est trouvée. L’Église catholique locale a accueilli l’initiative à bras ouverts en mettant à disposition des locaux, signe que l’idée de vivre l’Église autrement est porteuse de sens.
Vivre la foi comme une rencontre
Le second lieu est situé à Menucourt, de l’autre côté du fleuve. Là, la conviction a prévalu que la foi ne peut se vivre seul et doit tenir compte de la diversité des personnes et des sensibilités. La proximité d’un établissement de la Fondation John-Bost s’est imposée. Les cultes avec les résidents seront bien sûrs adaptés et centrés sur une parole qui passe par les sens. Cette découverte de la différence demandera un peu d’adaptation aux participants de la paroisse, mais la rencontre devrait être passionnante. Elle sera l’occasion de s’interroger sur la foi et sur la manière dont elle touche les dimensions intellectuelle, relationnelle, psychique et physique de l’être humain. Ce projet qui devrait voir le jour rapidement sera également une manière de relier une communauté spirituelle et une œuvre protestante. Se joue ici une compréhension de la spiritualité, à travers la nécessaire incarnation de la Parole.
À chacun son décalage
Plus au sud, à Chambourcy, les contacts sont pris pour un troisième lieu d’implantation, de nouveau avec l’Église catholique. Les enjeux ne sont pas les mêmes, la communauté étant ici plus établie, dans un cadre d’urbanisation plus ancienne. Jadis existait là une communauté de familles proche de ce que certains nomment une ecclésiole ou une Église de maison. Mais un projet de rencontre entre anciens et nouveaux ne peut se faire dans un salon, chez une personne, fût-elle la plus accueillante. Le Conseil presbytéral a souhaité que la neutralité du lieu d’accueil permette à chacun de faire un pas vers l’autre, ancien paroissien ou nouvel arrivant.
L’unité du peuple de Dieu
L’ensemble de ce projet est certes dynamique, et le pasteur ne peut à lui seul soutenir le tout. Une personne dédiée sera appelée pour porter le projet avec le conseil presbytéral. Le financement de l’activité est en cours d’étude. Toute cette dynamique a été conçue comme un mouvement d’ensemble, où chaque paroissien est invité à participer et bénéficier de la pluralité des expériences. Cet état d’esprit incitant à la rencontre et à l’ouverture correspond bien à une communauté où se côtoie une grande diversité de personnes, soucieuses de conserver une identité dans un monde assoiffé de sens et d’expérience spirituelle simple et authentique. Cette unité sera importante dans les temps à venir, alors que des personnes de plus en plus nombreuses franchissent le seuil des lieux de culte, partagent leur vie et leurs questions, sachant à peine ce qu’est le protestantisme. Comme pour les débuts de l’Église ancienne, où se côtoyaient les chrétiens d’origine juive et grecque, l’unité de l’Église devient d’autant plus prégnante avec ce genre de projet. Le comité de pilotage qui verra bientôt le jour en sera le premier garant.