Il faut apprendre à faire des additions !

Le refus du Nouveau Front Populaire de discuter avec d’autres que lui-même est assez sidérant. Il est vrai que ses différentes composantes ont déjà du mal à discuter entre elles ! Mais à quoi sert-il de répéter « nous avons gagné, nous avons gagné », alors que le NFP est loin d’avoir obtenu la majorité absolue et que, s’il entend gouverner, il devra élargir sa base ou alors être censuré à la première occasion.

Cela me rappelle les discussions surréalistes au moment du référendum sur le traité européen en 2005, où une partie de la gauche ne cessait de dire que le traité pourrait être renégocié, mais avec qui et sur quelle base ? Le « non » l’a emporté grâce à l’appoint de voix d’extrême droite et, une fois encore, une majorité relative ne fait pas une majorité absolue : il aurait été bien difficile de réunir une majorité prête à porter un autre projet. Et, qui plus est, au lendemain de la victoire du « non », il a fallu se rendre compte qu’à l’étranger personne n’avait envie de renégocier le traité.

A écouter en boucle son propre discours, on finit par oublier que d’autres existent.

Le NFP doit donc apprendre l’arithmétique et l’élection de la présidente de l’assemblée nationale lui a rappelé : il a suffit d’un simple deal entre deux écuries pour dépasser le NFP.

Mais, pendant ce temps là, le bloc Ensemble et les Républicains qui se sont rassemblés pour faire barrage au NFP semble ignorer qu’il ne pourrait pas gouverner non plus dans cette configuration-là : il est lui-même loin de la majorité absolue.

Bref tout le monde reste dans son petit couloir et entend tirer la couverture à lui, mais personne ne semble sérieusement prêt à, même pas un compromis, mais, disons, un marchandage sur ce que l’on concède à l’un ou à l’autre.

Pour le NFP c’est tout sauf Macron. Pour les Républicains et Ensemble c’est tout sauf le NFP. Et pour les deux c’est tout sauf le RN. Quant au RN, il regarde, goguenard, ces beaux esprits s’écharper.

Les postures ont la vie dure

Il est possible, en fait, que le NFP n’ait, contrairement à ce qu’il prétend, pas envie de gouverner dans la configuration actuelle. Quand Olivier Faure qualifie une éventuelle ouverture vers d’autres groupes parlementaires de « coalition des contraires », il dit, à sa manière, que raboter son programme ne l’intéresse pas. Donc il restera dans l’opposition. Et cela peut être un calcul de long terme rentable. A vrai dire, le NFP n’a rassemblé que 28 % d’électeurs au premier tour des législatives, ce qui situe ses limites. Et s’il veut entamer une politique de rupture il n’aura pas les moyens de la faire voter.

On peut imaginer, d’ailleurs, que ceux qui étaient prêts à des concessions sont déjà partis chez Ensemble (il ne faut pas oublier qu’Emmanuel Macron a émergé dans le cadre d’une scission de fait du PS avec des frondeurs qui se sont désolidarisés de la politique de François Hollande).

Mais, de tout bord, on n’entend que des déclarations la main sur le cœur, sur le mode : pas question de gouverner avec un tel ou avec tel autre. La manie des postures a la vie dure.

Il faudra pourtant discuter à un moment ou à un autre, ou alors sombrer dans une pétaudière perpétuelle à l’Assemblée Nationale. Mais, à court terme, il faudra quand même voter le budget.

Toujours autant de mal à dialoguer

Je m’arrête là dans mes considérations politiciennes. Ce blog n’est pas le lieu pour étudier cette question plus à fond.

Je relève plutôt la difficulté énorme que des groupes, certes aux intérêts opposés, ont à se parler. La campagne électorale des européennes et des législatives a joué sur les nerfs plus que sur les arguments et il semblerait qu’il soit devenu impossible même pour des personnes rompues à l’art de la négociation, de se mettre à table et d’échanger avec ceux qui ne pensent pas comme eux.

Certes la situation est inédite en France mais, comme plusieurs connaisseurs l’ont fait remarquer, elle est la règle en Europe : les partis qui ont la majorité absolue sont l’exception (le système électoral britannique produit une de ces exceptions). Alors ? A-t-on autre chose que des noms d’oiseau à échanger ? Il serait temps de se poser la question. Certains ont peur des étrangers, mais je crains que nous devenions étrangers les uns aux autres au sein d’un même pays.

Je repense aux derniers mouvements sociaux : les gilets jaunes, les deux réformes des retraites (la première avortée du fait du COVID), les mouvements anti-vax. Ils ont été l’occasion de fractures profondes et d’un affaiblissement des capacités de dialogue au sein des familles, des églises ou de groupes pourtant soudés a priori.

Je ne peux pas me résoudre à cette agressivité croissante qui gagne les échanges de point de vue. Les commandements de Jésus sur l’amour de l’ennemi deviennent chaque année plus actuels : si nous les prenons au sérieux cela nous engage à aller à contre-courant de cette tendance lourde qui nous emportera peut-être tous, mais contre laquelle je continue à lutter, dans la limite de mes moyens. Il ne s’agit pas seulement d’un enjeu politique et social ; il s’agit également d’un enjeu spirituel.