Débora Mistretta, aujourd’hui pasteure dans la paroisse de Boofzheim, et Jochin Trogolo, suffrangant dans la paroisse d’Ensisheim, sont partis en février 2016 à Calais à l’appel d’Utopia 56, une association d’aide aux migrants, qui cherchait des bénévoles. «À ce moment-là, la «jungle » existait encore et nous avons donné un coup de main en ramassant les déchets du camp, l’État n’y ayant pas mis de poubelles à disposition. » Débora Mistretta se souvient du froid, du vent et de la boue. Bref, des conditions de vie difficiles.
«Les migrants étaient d’abord étonnés de nous voir ramasser leurs déchets mais ils nous disaient merci et nous aidaient. » Puis, lors de sa suffragance à l’Aumônerie universitaire protestante (AUP) de Strasbourg, la jeune femme a lancé un appel aux jeunes pour venir en aide aux migrants du Nord de la France. «Je me suis dit qu’il fallait qu’ils voient ça.» Neuf étudiants sont ainsi partis en avril 2016 à Dunkerque et à Calais.
Témoigner de sa foi par le geste
«Nous travaillons sur ce sujet avec l’Aumônerie universitaire catholique, qui, comme nous, a à cæeur de témoigner de sa foi par le geste. Des jeunes peuvent partir grâce au prix dérisoire du séjour proposé par l’AUP», explique Matthias Dietsch, pasteur à l’AUP. Sur place, les étudiants ont collaboré de manière étroite avec Salam, l’Auberge des migrants et Utopia 56, des associations d’aide aux migrants, et avec les paroisses protestantes. «En général, il n’y a pas de programme établi, on s’adapte au jour le jour selon les besoins et il faut être disponible», explique Débora Mistretta. Les tâches sont diverses : tri des vêtements, bricolage, distribution de repas, etc.
Pour Matthias Dietsch, ces séjours organisés régulièrement, que ce soit en hiver ou en été, sont bien plus que du tourisme humanitaire. Ils sont là aussi pour sensibiliser les jeunes au bénévolat. « Cela permet de se rendre compte du travail des associations et des paroisses, un travail de longue haleine et invisible, dont on ne voit pas forcément tout de suite les fruits. » Pour le pasteur, ces séjours sont aussi l’occasion de relire l’expérience solidaire de manière théologique, de vivre une retraite spirituelle et d’avoir des moments de partage et de détente.
« J’avais du mal à croire ce que je voyais »
Marie-Sarah Marty, actuellement en service civique à l’AUP, est partie plusieurs fois dans le Nord de la France. La première fois, c’était suite à l’invitation d’une amie, alors étudiante comme elle. « Pour moi, c’était l’occasion de faire un petit voyage entre amis et de passer du temps en dehors de mon quotidien », explique aujourd’hui la jeune femme. Sur place, Marie-Sarah Marty se souvient d’avoir ressenti un trouble. «La situation était difficile à réaliser, j’avais déjà vu des images à la télé mais ça ne s’était pas imprégné. J’avais du mal à croire ce que je voyais. » La jeune femme s’est dit choquée par les conditions de vie des personnes et a pris conscience que «la France était en partie responsable de ça.»
En rentrant chez elle «bien au chaud», elle a eu un sentiment d’impuissance et de culpabilité. Elle y est donc retournée. «C’était difficile pour moi de ne pas voir les migrants autrement que comme des victimes. Je me souviens avoir discuté plusieurs fois avec une personne. Nous avons parlé de la gastronomie italienne, elle est devenue quelqu’un que je connaissais. » La jeune femme a ainsi pris conscience que les migrants n’avaient pas seulement besoin de manger et de s’habiller, mais de contact humain.
Pour Débora Mistretta, il est en effet nécessaire de s’interroger sur son rapport face à la détresse des gens. « Tous les jeunes ne sont pas appelés à participer à ces séjours, mais chacun peut faire sa part et avoir une réflexion intérieure. Avec les jeunes et dans nos paroisses auprès des adultes, nous faisons un travail de réflexion sur la vulnérabilité et sur le deuil de la toute puissance. » L’aide aux migrants n’a pas pour but de mettre les jeunes à une place seulement d’aidant mais de «se retrouver dans un face-à-face d’humain à humain» conclut Débora Mistretta.