En quoi consiste cette action ?
Jean-Marie de Bourqueney : Au-delà des grandes intentions, nous avons voulu agir concrètement, en partenariat avec de nombreuses associations : la FEP, puis maintenant la Cimade, mais aussi, sur tout le territoire, des associations, Églises, diaconats, qui accompagnent les exilés et favorisent leur insertion en France. Notre mission s’articule autour de deux actions. D’une part, nous centralisons les demandes de visas de réfugiés restés sur place et les envoyons aux ambassades françaises. Pour être complet, un dossier doit contenir une attestation d’hébergement, la condition sine qua non pour les autorités consulaires françaises que ces familles puissent arriver en France. Nous assurons d’autre part l’accueil physique de réfugiés. Grâce au réseau d’hébergeurs constitué grâce à l’appel de la Fédération protestante de France en 2014, nous pouvons proposer des logements à travers toute la France. Mais nous manquons d’hébergements, notamment dans les grandes villes universitaires. Nous devons également faire face à des situations d’urgence. Certains réfugiés arrivent à notre permanence en détresse financière. Nous cherchons donc à rassembler des fonds afin de payer des hébergements d’urgence ou financer leur transfert vers leur famille d’accueil.
Les migrants dont vous vous occupez d’où viennent-ils ?
J.-M. B. : Notre collectif s’est « spécialisé », du fait de la présence dans notre équipe de plusieurs arabophones, dans l’accueil des réfugiés du Moyen Orient, sans considération de religion. Nous accueillons des chrétiens, des musulmans et des yézidis, tous victimes de Daesh, mais aussi des frappes syriennes. Nous avons des partenaires sur place et nous travaillons avec les consulats de France dans cette région (y compris la Turquie et le Liban). Nous tentons de tout faire pour qu’ils évitent la tragique voie maritime où leurs chances de survie et de parvenir en France sont minces.
D’autres paroisses ou diaconats ont, en 2014, loué ou réservé des appartements sans recevoir de candidature. La situation a-t-elle changé ?
J.-M. B. : Nous essayons d’agir le plus vite possible car chaque jour est un jour d’attente et d’angoisse pour ces personnes et ces familles. C’est même parfois une question de vie ou de mort. Nous avons fait des choix, avec un seul objectif : sauver des vies ! Maintenant ! Mais nous avons besoin d’une promesse d’hébergement pour que le dossier soit examiné. Or cet « examen » peut prendre un an dans les consulats, malgré nos pressions et nos appels réguliers. Les pouvoirs publics sont lents, parfois sur instruction de la France qui ne respecte pas les engagements qu’elle a pris devant ses partenaires européens. Cela explique parfois l’attente, voire la déception des hébergeurs qui ne voient rien venir. L’accueil commence souvent avec de la patience…
Nous voulons en tout cas privilégier la qualité de l’accueil. Pour cela, nous cherchons des logements « accompagnés », c’est-à-dire avec la présence d’un collectif, d’une association, d’une paroisse autour qui s’engage pour l’insertion de ces personnes. Nous avons ainsi favorisé l’accueil de plusieurs centaines de personnes dans toute la France ; mais d’autres attendent toujours ! L’urgence est donc pour nous de trouver ces lieux accompagnés. Dans la région parisienne, nous avons par exemple collaboré avec la paroisse du Vésinet, qui s’est engagée concrètement en faveur de l’accueil d’une famille.
Nous travaillons en amont de l’insertion, de la demande d’asile dans les pays d’origine à l’accueil en France et nous envoyons ces personnes vers nos partenaires. Nous ressentons profondément cette chaîne de fraternité humaine et spirituelle au travers de toutes ces histoires singulières, qui vont du drame vers un chemin d’espérance et de vie.