Les médias français diffusent avec constance les prises de position des ONG et des associations, parfois au rythme de leurs manifestations publiques ou à l’occasion de violences difficilement maîtrisables. Autant la parole des Églises est relayée quand il s’agit de discourir sur la fin de vie, souvent d’ailleurs pour critiquer un excès de moralisme, autant les prises de positions sur l’écologie sont inaudibles.

La parole semble noyée

La raison en est certainement la profusion des actions concrètes de ces associations, dont les journalistes peuvent rendre compte plus facilement que de la réflexion de fond. Or les Églises apprécient la réflexion et sont peu friandes d’action hors les murs et de sensibilisation de terrain. Une autre raison est sans doute que sur ce sujet, les Églises ont du mal à se différencier des ONG spécialisées, d’autant plus qu’elles ont délégué une grande part de l’action sociale aux Entraides, œuvres et mouvements et ont donc moins de légitimité reconnue en la matière. La parole d’Église se fond ainsi dans la masse des paroles associatives, que celles-ci soient ou non en lien avec le christianisme.

Un débat avant tout intime

Pourtant, chaque paroisse prend sa part du travail, met en place un plan de sobriété énergétique, prend des mesures concrètes pour l’entretien des temples et les activités communautaires, émet des conseils et des réflexions pour sensibiliser les personnes, etc.

Mais deux questions fondamentales sont aujourd’hui posées. La première est de savoir s’il est souhaitable pour les Églises que le fait d’être chré- tiennes se traduise par une démarche différente de celle des ONG et des associations spécialisées sur le climat et l’écologie ; et si oui, en quoi consisterait cette différence ?

La seconde question touche à l’accompagnement des personnes dans cette crise sociale et environnementale annoncée. Car la société devient de plus en plus tendue, traduisant son stress par de l’angoisse existentielle, de la violence ou une absence d’écoute, conséquence d’un défaut croissant de prise en compte de la finitude humaine et de l’altérité. Les questions portées par l’écologie ont une dimension intime puisqu’elles sont liées à la mort.

Retrouver les ministères de l’Église

Sur ces deux questions, la définition des ministères attribués aux croyants par Paul peut apporter quelques pistes : « Christ a fait des dons aux hommes… il a donné les uns comme apôtres, les autres comme prophètes, les autres comme évangélistes, les autres comme pasteurs et docteurs… » (Eph 4). On peut distinguer à travers cette énumération les différentes fonctions dont la société a peut-être besoin aujourd’hui.

La fonction d’apôtre

C’est celui dont le nom grec veut dire : envoyé, revêtu d’une mission. Pilier de la communauté, sa fonction est de garder et de soutenir la foi des humains, leur assurance et leur vocation dans leur vie quotidienne et ecclésiale. On peut discerner ici une dimension d’entraide des plus faibles, de « prendre soin » les uns des autres, le souci de la communion et de l’Église. Dans ce cadre, l’apôtre appelle chacun à porter la mission et le souci d’autrui, ainsi qu’à devenir ambassadeur de ce monde dans lequel Dieu se rend présent. Sur le plan de l’écologie, sa démarche peut par exemple être la sensibilisation et de trouver les relais de l’action.

Le rôle de prophète

Il est plutôt celui qui annonce et intervient pour sensibiliser à l’urgence d’un changement d’attitude ou de croyance. On voit bien son importance dans les débats actuels. Dans la Bible, il parle de la part de Dieu et se trouve pleinement habité de spiritualité sous l’action de l’Esprit. Si les ONG et d’autres acteurs de la vie sociale ont pris en charge cette mission d’avertissement en annonçant une urgence climatique, ces discours sont exercés au nom de l’humanité pour empêcher que la vie ne disparaisse du globe terrestre. Le rôle du prophète d’Église serait plutôt de montrer en quoi l’être humain peut mettre en œuvre son identité d’image de Dieu par l’utilisation de ses capacités de dialogue et de construction, au lieu de tendre à se poser en tyran de la Création. D’une certaine manière, il invite l’être humain à l’action en lui signifiant qu’il vaut mieux que ce qu’il donne à voir. Son message s’éloigne ainsi de toute culpabilisation.

La mission d’évangéliste 

Cette mission porte la charge de propager l’Évangile à l’extérieur mais aussi à l’intérieur de l’Église. À ce titre, il annonce au monde la bonne nouvelle qui consiste dans le salut et la résurrection. À travers ce mot de résurrection, on peut distinguer la notion de réveil, de resurgissement. Sur les questions d’avenir de la Création, le rôle d’évangéliste confié aux membres de l’Église peut alors se traduire par la nécessité de faire prendre conscience à tout être humain de sa capacité à vivre en ressuscité, c’est-à-dire à habiter pleinement son humanité et à se redresser pour affronter son immobilisme, ses enfermements ou ses peurs, qu’il soit membre de l’Église ou non.

La vocation de pasteur et docteur

Chez Paul, la vision est intéressante car les deux fonctions sont citées ensemble. Il s’agit des missions d’édification et d’accompagnement des personnes, dans l’optique de les guider vers l’existence que le Seigneur voudrait leur voir mener. Guider les personnes à travers la Bible, dans leur vie personnelle et les ressorts de l’action est un rôle essentiel pour dialoguer avec l’intimité de chacun et permettre à tous de se mettre en route pour une destination commune. Comme Moïse guidait son peuple au désert, pasteur et docteur peuvent guider les communautés vers une action concertée et porteuse de sens pour l’humanité.

Retrouver les fonctions définies par Paul pour les membres des communautés paraît aujourd’hui essentiel pour que l’Église prenne pleinement sa part dans le débat de société sur la préservation de la Création, par une démarche différente de celles des ONG et en prenant en compte la dimension de l’intime dans les enjeux écologiques.