A l’entrée de Lampertsloch, les Chats perchés, trois familles dont celle d’Adeline Schwander, ont réaménagé et rénové les trois étages de leur maison de maître pour pouvoir se retirer dans trois appartements et se partager une cuisine, une chambre d’amis, une salle de jeux, ou encore une buanderie. Chacun fait profiter à tous de ses compétences, en permaculture comme en bricolage… Les adultes se relaient pour faire les courses, garder les enfants ou les conduire à l’école. « Cette mise en commun diminue les charges financières et mentales », apprécie Adeline Schwander. Les familles se sont associées autour de valeurs fortes, déjà expérimentées ensemble à l’occasion de l’ouverture d’une école Montessori. « Nous avons d’abord réfléchi à notre projet philosophique, insiste la mère de famille. Pour limiter notre impact sur l’environnement, nous pratiquons le zéro-déchet, la mutualisation, nous produisons sur site et nous avons des panneaux solaires. Nous souhaitions aussi proposer plusieurs modèles d’adultes aux enfants. » Pour réussir une telle aventure, Adeline Schwander recommande de « ne surtout pas choisir des amis, mais des personnes avec lesquelles on peut parler des choses qui fâchent ». Les Chats perchés sont l’un des douze habitats participatifs qu’Éco-quartier Strasbourg a recensés dans les campagnes alsaciennes. Cette association accompagne depuis dix ans des initiatives similaires à Strasbourg. Une dizaine de lieux y fonctionnent déjà. Éco-quartier aide les volontaires à se rencontrer et à définir un projet de vie commune, avant de les réorienter pour les étapes techniques et juridiques. Un parcours de plusieurs années, prévient Emmanuel Marx, directeur de l’association. « Mutations professionnelles, séparation, décès… Plus le groupe est grand et plus c’est un défi de le maintenir dans la durée, ajoute-t-il. En ville, l’habitat participatif passe surtout par de la construction en autopromotion de petits ensembles, entre cinq et dix logements. Cela permet de renouveler la ville dans une densification raisonnable et de maîtriser le choix des matériaux. » L’habitat participatif montre d’ailleurs la voie aux promoteurs en matière d’écoconstruction et d’espaces partagés.
Un témoignage chrétien
Éco-quartier compte désormais encourager de nouveaux projets en zones rurales. « Notre objectif est de faciliter l’émergence de groupes et de faire se trouver acheteurs et vendeurs », explique Emmanuel Marx. L’habitat participatif passe à la campagne par la rénovation de bâtis existants. «Nous avons de grands corps de ferme qui s’y prêtent », constate-t-il. Son association espère se faire connaître des vendeurs, occupants ou héritiers, qui souhaiteraient donner du sens à la transmission de leur bien. Une manière de revitaliser les territoires et de les préserver. « Si chaque Alsacien veut construire son pavillonnaire dans la plaine d’Alsace, il n’y aura plus de plaine d’Alsace », insiste Albert Frintz, propriétaire de la ferme des Carrières à Pfaffenhoffen, qui accueille chaque année La parole est dans le pré et cherche depuis plusieurs années le bon modèle pour monter un projet qui colle à ses valeurs. « Je regrette que des chrétiens ne s’emparent pas de ce mode d’habitat. Ce serait dommage de le laisser aux spiritualités sans Dieu », confie l’octogénaire qui a côtoyé une majorité de groupes proches des nouvelles spiritualités. « Apprendre à vivre avec l’autre, c’est aussi se construire soi-même. » Pour lui, cette démarche peut être un témoignage chrétien en faveur de la sauvegarde de la Création, mais aussi de la justice et de la solidarité. S’il trouve des porteurs de projet, Albert Frintz veut d’ailleurs leur proposer le montage d’une coopérative d’habitants. « Ce statut juridique est un joyau sur le plan social, défend-t-il. Chacun a des parts et paie une redevance qui équivaut à un loyer. Donc les aides sociales restent possibles. La participation aux travaux donne aussi droit à des parts. » Si la coopérative se dissout, ses bonus sont reversés à une autre coopérative. Un engagement équitable et sans spéculation.