À chacun son lieu. Au gré de l’Histoire et des opportunités, chacun avait développé son nid et ses habitudes. Luthériens, réformés, services régionaux, associations sœurs s’étaient établis un peu partout, illustrant avec brio le terme de nébuleuse protestante cher à certains observateurs des milieux protestants.

Se côtoyer et plus si affinité

Tournefort, Trévise, Chauchat, Clichy, un bénévole essoufflé déplorait récemment le périple de sa journée de réunions et les trois heures perdues dans la circulation. Il évoquait aussi l’espace disponible dans tous ces lieux et ce qui lui paraissait une vie en courant alternatif, lorsque quelques permanents errent en journée dans des bureaux saturés de cartons et de livres à côté de salles vides utilisées principalement le soir. Est-ce l’occasion qui fait la décision, ou le projet qui est premier ? L’opportunité d’intégrer une vieille et vaste demeure rue Rodier à Paris a fait mûrir l’idée de se rapprocher pour travailler ensemble, tout au moins côte à côte, et créer des habitudes nouvelles et dynamiques. Chacun son bureau, certes, mais la machine à café servirait de point de rencontre. Et l’on pourrait imaginer des économies d’échelle et peu à peu, qu’une confiance osmotique fasse naître quelque projet conjoint.

Changement d’état d’esprit

Les esprits s’affairaient à rêver, qui de la taille de son bureau, qui d’une nouvelle bibliothèque à archives. Las ! Tout cela menait droit à la juxtaposition des envies et non à la rencontre des esprits. Il fut donc décidé un changement total d’état d’esprit. Car partant du principe que l’Église est celle du Christ et non des Hommes, rien n’imposait de raisonner en institutions. Après tout, les mêmes soucis se posent à tous, quelle que soit l’organisation. Sous la houlette de Catherine Michelet, le processus s’est donc focalisé sur la manière de travailler plus que sur la géographie des lieux. À titre d’exemple, le directeur de rédaction de ce journal a-t-il besoin d’un bureau de deux mètres, alors qu’il travaille sans papier sur un ordinateur portable et en rendez-vous la moitié du temps ? En revanche, pourquoi ne pas se brancher sur une console murale et côtoyer parfois d’autres personnes, changer de place à l’envi ? Ce serait sans doute un renfort à sa créativité !

Question de vision d’Église

Mais où est le projet, au milieu de ce travail ? L’Église n’est pas une entreprise et ne peut se satisfaire d’une organisation pyramidale, en openspace ou en pôles très structurés. Rassembler les instances d’Églises, leurs services et des associations relève d’une autre vision de l’Église, axée sur le service et le soutien aux paroisses. Annoncer l’Évangile ou aider une personne qui en a besoin, c’est avant tout pouvoir se fier les uns aux autres et se parler pour construire ensemble.

À titre d’exemple, la réponse à un appel local d’accompagnement d’une paroisse sans pasteur peut demander des compétences techniques, bibliques, de communication et de réflexion qui nécessitent à des personnes très différentes de travailler ensemble. Soutenir une paroisse pour accueillir un réfugié mobilise de l’alphabétisation, des aides aux démarches, un logement et la recherche d’emploi, en plus des questions sanitaires. C’est une démarche interdisciplinaire qui se basera sur un réseau de connaissances.

Le projet avant les outils

La crise sanitaire a favorisé la prise de conscience d’une nécessaire adaptation des manières de faire vivre l’Évangile. Les outils technologiques permettent un type de réponse et de nouvelles possibilités, c’est certain et c’est heureux. Mais la pandémie a également nourri la nécessité absolue de se voir, se rencontrer, se parler, faire route ensemble. En paroisse, elle a rendu à la visite ses lettres de noblesse. La rue Rodier sera ce lieu pour la région parisienne, que l’on soit réformé, luthérien ou association. Un interlocuteur rappelait en souriant que les photocopieuses n’ont pas de confession. Mais plus profondément, le projet du Christ sur son Église ne semble pas être que les humains s’y croisent en s’affairant à leurs propres besognes, mais qu’ils s’y rencontrent.