Les repas de l’entraide existent-ils depuis longtemps à Sens ?
Depuis une trentaine d’années, l’entraide protestante de l’Église protestante unie de Sens organise une table ouverte tous les vendredis dans ses locaux pour des personnes à la rue et en grande précarité. Pasteur de l’Église protestante unie de Sens et environs depuis bientôt six ans, je partage ce temps fort avec celles et ceux qui viennent. Une équipe de quatre bénévoles est présente pour les accueillir et préparer les repas. Ce qui d’emblée m’a plu dans cette expérience, c’est que, accueillants comme accueillis, nous nous retrouvons tous ensemble autour de la table. Nous sommes de la même humanité.
D’où est venue l’idée de proposer ce temps de lecture ?
Elle est venue d’une interpellation d’une des personnes accueillies. Un jour, juste avant un repas, Jocelyne se tourne vers moi et me dit : On pourrait lire la Bible avant le repas ; quand j’habitais à Paris, j’allais manger dans un centre d’accueil géré par un prêtre. Il nous proposait la lecture d’un texte biblique et cela me faisait du bien ! Je ne réfléchis pas. Je dis oui ! Début octobre 2015, sur ma demande, le bureau de l’entraide met en place un temps de lecture biblique pour les personnes intéressées un quart d’heure avant chaque repas.
Cela n’a pas posé de difficulté ?
Il est, me semble t-il, des moments où l’on ressent qu’il faut répondre sans délai car il se joue là quelque chose d’un besoin de rencontre d’où peut naître une espérance. Si, à cette époque, la majorité des personnes qui viennent partager le repas savent que je suis le pasteur, je n’ai pas pris d’initiative ministérielle particulière, sinon d’être à table et de participer à des tâches inhérentes à la préparation et au déroulement du repas. L’interpellation de Jocelyne me fait bouger. Il ne fait pas de doute qu’elle considère, comme d’autres d’ailleurs, le prêtre et le pasteur comme des « hommes de Dieu » ; qu’on le veuille ou non ! Elle attend de moi que j’ouvre la Bible avec elle, pour elle et pour d’autres et que je propose aussi un espace de prière. Moi qui suis habitué, dans les groupes bibliques paroissiaux, à situer pour chaque texte, le contexte historique, les éléments de datation et autres renseignements pouvant aider à son approche, je sens que je dois ici renoncer à cette pratique, car ce que Jocelyne attend c’est la lecture d’un texte biblique livré tout simplement à l’écoute. La Bible à nu sans fioritures !
Comment cela se passe-t-il ?
Chaque vendredi, je choisis un texte biblique, Ancien ou Nouveau Testament. Après un temps de prière, j’en fais la lecture et chacune, chacun, s’il le souhaite, partage avec ses mots et selon son vécu ce qu’il reçoit. Certains éprouvent le besoin de parler, d’autres de se taire, d’autres encore de prier à voix haute ou tout bas ; dans cette demi-heure toute expression est accueillie telle qu’elle est. Pas de manifestations extraordinaires mais un sentiment de paix. Quand je ne suis pas là, c’est Didier, un demandeur d’asile, qui assure l’animation de ce temps. En général, nous sommes une huitaine de personnes… pas toujours les mêmes… Des merveilles jaillissent chez nous souvent au milieu des souffrances partagées ou non. La parole de Dieu fait du bien quand elle touche les cœurs. Avant de conclure, la prière du Notre Père main dans la main et la bénédiction embellissent le chemin à parcourir au quotidien. L’un d’entre nous, Joël, ancien routard, a pu cheminer vers le baptême ; baptême qui a été célébré en juin de cette année dans la joie ! C’est une expérience de fraternité toute simple où je sens que Jésus vient s’asseoir à notre table comme au temps d’Emmaüs. Ce temps de « pause biblique », comme nous l’appelons maintenant, est annoncé au culte et ouvert à tous… Nous sommes tous de la même humanité !
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