L’Institut protestant de théologie, avec ses facultés de Montpellier et de Paris, est un lieu privilégié pour appréhender cette évolution et ses enjeux.
Il suffit de consulter les journaux ou les sites Internet protestants pour s’apercevoir de la multiplication de l’offre de formation. Programme paroissial pour visiteurs, visioconférences régionales pour conseillers presbytéraux ou interventions de théologiens pour des conférences grand public : tous les secteurs d’activité de l’Église sont concernés. Des mouvements comme le scoutisme, les YMCA ou des événements du type Grand Kiff (en particulier les camps théologiques qui, en marge du Grand Kiff lui-même, se déroulent à l’Institut protestant de théologie (IPT), alternativement à Paris et Montpellier) constituent également des opportunités de formation. La composition des paroisses change peu à peu et les demandes du public aussi. L’IPT, lieu de formation universitaire et de recherche théologique au service de l’EPUdF, scrute ces tendances pour y répondre au mieux. Quatre axes peuvent être distingués.
Un parcours d’ancrage
Le premier concerne les demandes individuelles de recherche et de formation. Dans un monde en quête de sens et de spiritualité, beaucoup manifestent un intérêt croissant pour la réflexion théologique ou, derrière la démarche intellectuelle, la quête spirituelle a aussi sa place. Sans lien particulier avec l’Église, ces personnes veulent en savoir davantage, éventuellement se risquer à faire un pas en direction des paroisses.
Chaque niveau de l’Église, du local au national, s’est adapté à ces demandes. Des sites Internet, des blogs personnels de paroissiens ou de pasteurs peuvent répondre à certaines questions. Les conférences sont une autre occasion de formation et les professeurs de l’IPT en dispensent un grand nombre. Mais lorsque la recherche devient prégnante se pose la nécessité d’outils plus spécifiques.
Théovie forme par exemple aux principes du protestantisme, à l’histoire ou à la lecture de la Bible par des cours en ligne. Appel a été fait à l’IPT pour fournir nombre de ces modules qui accompagnent la découverte et l’approfondissement. Parmi les personnes en recherche avec Théovie, certaines font ensuite la démarche de suivre les cours par correspondance de l’IPT avec une visée diplômante. Là se vivent aussi des rencontres qui mènent parfois à se poser la question du ministère pastoral.
Multiplier les modes de formation
Un second axe consiste à répondre à la demande de formation de membres engagés. Ils viennent essentiellement pour se former à la prédication, la catéchèse, un ministère de conseiller presbytéral ou un ministère de visite. Certes, Théovie ou des propositions régionales constituent des réponses adaptées. Mais, en se tournant vers l’IPT, ceux qui sont appelés à ces ministères augmentent leur niveau de compétence. Cela nécessite des ressources spécifiques, notamment l’intervention d’enseignants en théologie.
En lien avec les régions, l’IPT a mis en place des projets de formation qui correspondent à l’une de ses missions : former des cadres d’Église, en plus de la formation des futurs pasteurs et de l’activité de recherche. Sont ainsi proposés, outre les cours classiques au sein des deux facultés, l’enseignement à distance (EAD) et les interventions pour des formations spécifiques sous la forme des cours décentralisés en région.
Une évolution de la demande ecclésiale
Quiconque suit l’évolution de l’EPUdF aura noté des changements majeurs dans la composition des paroisses depuis trente ans, ce qui génère un troisième axe d’évolution des formations. Les Églises locales accueillent des paroissiens de provenances très variées, notamment étrangères. Qu’il s’agisse de cultures issues de pays d’Afrique, d’Amérique du Sud, de Corée ou d’Europe, ces croyants ont souvent connu une autre forme d’ecclésialité que le système presbytérien-synodal. Notamment en ce qui concerne le rôle ou le statut du pasteur, qui y est souvent différent, comme les missions du Conseil presbytéral ou les formes liturgiques. Ces évolutions locales impliquent de permettre en même temps l’intégration dans une culture locale et l’accueil par les paroisses d’une diversité de sensibilités théologiques ou de perceptions différentes de la vie communautaire.
Pour éviter le communautarisme, cette pluralité nécessite une adaptation et des formations, notamment en termes de gestion paroissiale ou de liturgie. Cela a conduit l’IPT à mettre en place des diplômes d’établissement (DE) consacrés au culte et à la gouvernance de l’Église, deux sujets potentiellement sensibles. Si jusqu’alors l’IPT répondait à des sollicitations ecclésiales ponctuelles (formation de prédicateurs laïcs par exemple), sa démarche est donc aujourd’hui proactive.
Une adaptation aux réalités du ministère
La discussion à venir de l’Église sur les ministères remet l’enjeu de la formation permanente des laïcs au premier plan, et cela constitue un quatrième axe. Dans les formations, l’évolution du public est déjà fortement marquée puisque, par exemple, les cours à l’IPT sont suivis par nombre de paroissiens déjà impliqués dans un ministère. Certains viennent dans les locaux de la faculté ou suivent l’EAD, d’autres bénéficient, on l’a déjà mentionné, des cours décentralisés mis en place depuis une vingtaine d’années dans plusieurs lieux (Lyon, Bordeaux, Valence, Marseille, Nice, Alès, etc.), d’autres encore nourrissent leur vocation par un cycle de conférences ou les interventions d’un professeur en paroisse. Des changements interviennent aussi parmi les étudiants en théologie.
Une forte proportion est maintenant issue d’Églises subsahariennes, d e Madagascar, voire du Brésil, la plupart ont entre 30 et 40 ans et ont déjà exercé un métier ; nombre d’entre eux sont d’ailleurs passés par l’enseignement à distance. À l’IPT, on peut donc dire que si le nombre d’étudiants a peu varié en vingt ans, leur profil a radicalement changé. Lors de la dernière année de master, année de stage en paroisse qui précède l’entrée en ministère, les futurs pasteurs découvrent cette évolution sociologique de l’EPUdF. Si elle est parfois source de quelques difficultés, elle est surtout signe d’espoir pour notre Église.
L’Église se modifie aussi par la formation
L’évolution de l’Église relève d’un changement observable au plan de la société. Un monde où la liberté personnelle permet le développement de nouvelles tendances communautaires est un défi pour les théologiens, les pasteurs et les paroissiens. Il s’agit de retrouver la pertinence de la tradition luthéro-réformée pour relever les défis du communautarisme ou du désir de chacun de revendiquer son droit. Le modèle presbytéro-synodal est appelé à s’interroger sur lui- même pour répondre à un contexte communautaire nouveau. Là encore, l’IPT est en première ligne pour réfléchir à la façon de faire communauté aujourd’hui. La variété des formations est une illustration de ce principe fondamental : ecclesia semper reformanda.