C’est une activité qui ne s’arrête jamais car elle est, depuis toujours, constitutive des communautés ecclésiales et concourt à la prise de conscience de la place de chacun dans la communauté, mais aussi du sens que chacun peut donner à sa vie et à son engagement.

Le changement, c’est maintenant !

Il est exact que c’est un slogan que nous avons beaucoup entendu au printemps (politique) dernier, mais il est particulièrement exact et intemporel en ce qui concerne la mission. Notre monde a changé, nos sociétés sont de plus en plus multiculturelles, mondialisées et sécularisées. Qu’en est-il de nos églises ? Microcosmes de la société, elles en sont le reflet. Leur configuration a changé parce que leurs membres sont de plus en plus divers par leur origine géographique, ecclésiale, sociale, etc. Dans ce contexte, la mission ne peut plus être celle d’autrefois.

Notre semper reformanda (toujours à réformer) est donc toujours d’actualité, encore faut-il le mettre en pratique. Ce n’est pas toujours simple. Les communautés sont confrontées à des questions très concrètes, comme, par exemple, celle de l’accueil des nouveaux venus ou de la place de la chorale malgache ou congolaise dans la vie cultuelle, etc. Comme toutes les questions pratiques, celles-ci renvoient à d’autres questions, théologiques, cette fois-ci.

L’église n’est pas le seul reflet de la société mais par son existence même, elle est le signe, au sein de cette société, de l’amour de Dieu pour quiconque, sans exclusive. C’est donc la question de la place de chacun, des dons qu’il a reçus au service de toute la communauté, qui sont en jeu ici. Les membres de l’église sont appelés à vivre une qualité de relations spécifiques, fondée sur l’amour de Dieu manifesté en Jésus-Christ : être ensemble avec les autres et pour les autres et, pas seulement, les uns à côté des autres.

Dans cette perspective, chacun, individuellement et communautairement, est toujours en apprentissage de la vie chrétienne, en d’autres termes il est toujours dans une démarche de formation. Dans les écritures, le terme utilisé est plutôt celui d’édification. Le mot est déjà un indicateur, une balise. Deux écueils sont à éviter : se centrer sur du savoir ou sur soi. Si le savoir est indispensable – il faut comprendre ce que l’on croit, la visée n’est pas d’être savant mais d’être disciple, engagé et prêt à suivre Christ là où il appelle.

L’édification vise prioritairement l’attachement au Dieu de Jésus-Christ : y tenir malgré ses faiblesses, ses lâchetés et ses failles.

Le but n’est donc pas la perfection quelle qu’elle soit, théologique, morale, etc. C’est pourquoi l’édification est un geste communautaire, une construction où chacun est une pierre dans l’édifice, elle n’est donc pas une affaire seulement individuelle mais une mise en lien avec et pour les autres. Ce sont en effet les autres qui ouvrent l’individu à d’autres réalités et expressions de foi, qui l’aident à formuler ses convictions, à oser dire ses interrogations et ses doutes. Réciproquement, chacun profite des richesses, des talents, des compétences d’autrui.

La mission ne peut pas être pensée uniquement comme un déplacement géographique réel ou virtuel, par des offrandes pour un projet d’entraide par exemple. Si elle inclut sans équivoque cet aspect important, l’essentiel se situe malgré tout dans les communautés. Quel que soit le lieu, la question est toujours la même : quelle place y occupe-t-on? C’est donc à l’accueil mutuel que nous sommes confrontés : comment, au sein de cette diversité, nous accueillons-nous les uns les autres pour que chacun puisse dire « je suis chez moi »?

La mission a tout naturellement sa place dans le projet de l’église, non comme une option ou une activité supplémentaire mais comme une réalité à vivre dans tous les aspects du quotidien de l’église, pour passer d’une réalité multiculturelle à une communauté interculturelle.

Tout processus de changement dans le regard, la manière de comprendre, de faire, etc. demande du temps, des explications, des essais, de la patience et de la persévérance parce que personne n’avance pas au même rythme et il faut trouver le bon tempo pour ne pas perdre en route ceux qui ont besoin de plus de temps. N’oublions pas que l’église de Dieu est universelle, cette ouverture aux autres ouvre au plus large, au plus loin.

Les églises sœurs dans le monde contribuent au processus d’édification, elles sont chacune une pierre dans l’édifice et nul ne peut les ignorer.

Imaginez un mur avec un trou béant : personne ne voit le mur mais seulement le trou! Cet engagement s’inscrit aussi dans un processus de changement : comment valoriser la rencontre, l’échange et des liens entre églises sœurs sans risquer la mainmise ou un rapport de dépendance ?

L’édification implique ce travail : un changement de mentalité de part et d’autre pour parvenir à la réciprocité et être dans des relations justes. Cela passe par des situations concrètes où il n’y a pas de recettes, les solutions ne vont pas de soi mais se trouvent au cas par cas.la formation consiste dans ce va-et-vient entre les situations concrètes et les questions théologiques et spirituelles auxquelles ces situations renvoient.

Elle permet un nouvel élan, un renouvellement des engagements et contribue à nouer des liens communautaires à la dimension de l’église universelle.

La formation, comprise dans cette démarche d’édification, fait grandir chacun individuellement comme il fait grandir la communauté toute entière.