Vous connaissez tous, sans doute, cette légende amérindienne qui raconte l’histoire du colibri, tentant d’éteindre un immense incendie avec les gouttes d’eau qu’il transporte dans son bec. Au tatou, qui s’étonne de l’inefficacité de la méthode, le colibri répond « Je fais ma part »… Cette légende a connu un succès important grâce à Pierre Rabhi, décédé récemment. Même si je ne partage pas nombre de ces positions, je trouve que cette légende a, dans le monde associatif, une résonance particulière.
Je ne sais pas vous, mais j’ai personnellement la chance de vivre dans une véritable volière. Je suis entourée de colibris, en particulier à la mission populaire. Je voudrais, par ce billet, leur rendre hommage et je pense aujourd’hui tout particulièrement aux colibris empêchés de voler, ceux dont les ailes sont fatiguées d’avoir trop travaillé, ceux dont le bec est fragilisé par trop d’allers – retours vers l’incendie.
Contre vents et marées
Ces colibris qui sont âgés, fatigués, malmenés par la maladie, le grand âge ou les épreuves de la vie. Certains des bénévoles de la mission populaire à Trappes sont présents et actifs depuis 5 ans, 10 ans, 15 ans, 25 ans ou même plus de 40 ans. Avec force et conviction, ils portent le projet et la structure autant que leurs forces et leur énergie le permettent. Ils sont présents, actifs, parfois dans l’exubérance, parfois dans la discrétion mais toujours dans un esprit de service que je trouve, pour ma part, remarquable. Je suis frappée de voir à quel point ces personnes ont fait de leur vie tout entière un engagement au service d’une cause et d’une association. Contre vents et marées, ils affrontent les tempêtes et se tiennent dignes et droits, modestes comme si cet engagement allait de soi et n’avait pas de réelle importance ou impact. Je crois moi que ces colibris changent le monde.
Pas au Panthéon
Je sais que mes engagements, tant personnels que professionnels ou associatifs sont beaucoup plus « fluctuants », moins solides et que je ne m’engage pas nécessairement corps et âme pour une cause, une personne, une association… Serais-je capable, comme le font beaucoup d’entre eux, d’accompagner un conjoint malade, de le porter littéralement à bout de bras durant des années, sans plainte et dans la bienveillance ? Serais-je capable d’être présente, trois fois par semaine, pendant 20 ans, pour donner des cours de français ou faire du soutien scolaire ? Avec toujours le même enthousiasme, le même engouement ? Serais-je capable de militer encore à 82 ou 83 ans ?
Certains de nos colibris ont disparu, en silence et dans la discrétion. Ils n’entreront jamais au Panthéon, n’auront jamais la légion d’honneur et ne feront pas le buzz sur les plateaux télé. Je voudrais qu’on ne les oublie pas, que dans un coin de notre mémoire ils restent vivants et éclairent le chemin pour ceux qui vont suivre, qu’ils soient des témoins de l’engagement au service du monde, des héros de la solidarité.