Il marque un léger temps de pause en plissant les yeux. Un tel silence est inhabituel pour cet homme qui parle vite et va droit au but. C’est qu’avec son interlocuteur totalement néophyte en matière de communication, il va falloir reprendre la démonstration autrement et développer des trésors de pédagogie.
La patience d’un homme pressé
Émile cherche la voie pour s’adapter à la demande réelle qui lui est faite. Que veut-on dire, comment le dire et avec quels outils ? Le monde de Monsieur Émile est fait de questions, de décalages, d’innovations. Fraîchement mandaté par le Conseil régional réformé pour venir en aide aux Églises locales, Émile Barbu s’est déjà fait un nom, inventé par les sœurs Diaconesses qu’il a récemment conseillées : Monsieur Émile. Ce titre dit beaucoup sur les qualités techniques et humaines de cet homme de 33 ans père de deux jeunes enfants dont la vie est déjà bien remplie.
Bouger de ses certitudes
D’où lui vient sa foi ? Émile évoque en riant un alliage de famille et d’Église : il est tombé dedans dès l’origine, dans les Assemblées de Dieu où sa famille a donné de nombreux serviteurs, depuis son grand-père, son père devenu pasteur ou sa mère investie dans la Société Biblique. Mais ce n’est pas une question d’hérédité ou de tradition : pour lui, le conformisme tuerait la Parole, il faut bouger, se déplacer de ses certitudes.
Bac d’informatique en poche, le voyageur se met en route vers Québec avec la conviction de devenir pasteur. Il y suivra une licence en théologie pratique et exercera un ministère pastoral pendant quatre ans auprès de l’Église Nouvelle Vie. Mais la France l’appelle et c’est dans l’Église Hillsong qu’il trouve d’abord sa voie. Chargé de l’accueil des nouveaux et de la formation, il y sera pasteur durant sept ans, et prendra bien sûr aussi en charge l’informatique.
Être acteur pour que vive la parole
Mais ce spécialiste de technologie numérique adepte du « zéro papier zéro stylo » s’intéresse de près aux réseaux sociaux et y remarque la faiblesse des prises de parole des Églises. Avec quelques amis il crée Mauvaises Fois, un acteur aujourd’hui reconnu des réseaux sociaux, poil à gratter des évidences acquises, îlot de diversité dans les théologies protestantes, pour rendre compte de la variété de la Parole de Dieu. Devenu passionné des réseaux, il remarque les atouts théologiques de l’EPUdF et son incapacité parfois à franchir un seuil de notoriété en dépassant ses propres murs. Il devient chargé de mission du Conseil régional. Pour lui, les réseaux sont vitaux pour générer entre les paroisses des liens étroits et efficaces.
Des questions pour un écrin
Le sourire collé aux lèvres et les doigts en alerte sur l’un de ses claviers, Monsieur Émile pose donc ses questions une fois, deux fois, jusqu’à ce que les attentes soient claires et le projet précis. « En fait, peu de gens savent réellement de quoi on est aujourd’hui capable en matière d’équipement ou de format de communication », remarque-t-il. « Beaucoup de Conseils presbytéraux s’autocensurent et s’empêchent de se poser les bonnes questions, celles qui feront aboutir des projets adaptés pour chaque communauté ». Son rôle est finalement celui d’un accoucheur de projet, tendu vers la pertinence du témoignage. « Dans l’EPUdF », sourit-il, « j’ai découvert un fort message théologique, un message en or qui passe presque en dessous des radars de la société. Alors je mets tous mes efforts pour le faire passer au mieux possible et lui donner l’écrin qu’il mérite ».