Une conférence à trois voix a eu lieu sur ce dans le cadre des Journées nationales de la Fédération de l’entraide protestante qui se sont tenues à Lille les 27 et 28 mars. Ce débat a montré à quel point une avancée théorique dans la prise en charge des personnes se révélait dans les faits très délicate à appliquer. Mais qu’est-ce qu’un parcours de vie ? Le site des Agences régionales de santé en donne la définition suivante : le parcours de vie est «la trajectoire globale des patients et usagers dans leur territoire de santé, avec une attention particulière portée à l’individu et à ses choix.» Et en fixe les objectifs : «faire en sorte qu’une population reçoive les bons soins, par les bons professionnels, dans les bonnes structures, au bon moment. Le tout au meilleur coût.»
Mais, est-il raisonnable de demander à une personne de 80 ans, atteinte de la maladie d’Alzheimer, de définir son projet de vie ? C’est l’interpellation qu’a lancée Alain Villez, directeur adjoint de l’Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés sanitaires et sociaux (UNIOPSS) Nord-Pas-de-Calais.
Pourtant, il n’a pas omis de rappeler que cette logique de prise en compte des personnes et de leur propre parole sur leur situation est au cœur de l’éthique associative.
Pour aller plus loin, Marie-Hélène Boucand, médecin, philosophe et atteinte d’une maladie rare, qui accompagne des personnes atteintes de handicap, a fait un exposé sur l’espace intime des parcours, très révélateur de cette difficulté à échafauder un parcours de vie. Faisant notamment référence à Paul Ricoeur, elle nous rappelle que pour mettre sa vie en récit, y trouver un sens, sans être dans la relation d’une succession d’événements, il faut se donner trois temps : celui du vécu de l’événement sans récit possible, puis vient le travail de structuration, qui aboutit enfin à la possibilité d’un récit proposé à un tiers. C’est donc sur un temps long d’accompagnement que doit se faire l’élaboration de ce parcours. Temps dont ne disposent pas les accompagnants des personnes âgées, en situation de handicap, ou en précarité.
Une autre question se pose également, et elle est d’ordre éthique : est-il juste de demander à une personne fragilisée, qui doit faire face à sa maladie, son handicap ou sa détresse sociale d’élaborer un projet de vie, alors que l’on ne le demandera jamais à quelqu’un en possession de toutes ses capacités ? Comme l’a rappelé Marie-Hélène Boucand, cette demande est le plus souvent vécue comme «une effraction de l’intime». Sans doute, serait-il plus facile et plus humain de demander aux personnes leurs besoins, plutôt que leurs projets.