Il faut bien sûr commencer par rappeler où se situe l’autorité dans l’Église – dans l’assemblée, dans les ministères, dans les structures – mais que tout est soumis à l’autorité supérieure du Christ. Puis, on peut chercher à dire plus précisément comment se dessine la pratique de l’autorité dans l’Église : attention, ce n’est pas tout à fait comme ce qui se pratique dans le monde !

Introduction

Je suis obligé d’ouvrir cette réflexion sur l’autorité dans l’Église sur un constat mitigé, voire légèrement pessimiste, en espérant que la suite du propos ne le sera pas. J’aimerais pouvoir me contenter de dire que, lorsque l’autorité est bien positionnée, les choses se passent bien dans l’Église, que l’autorité est une réalité positive et bénéfique pour l’Église. Mais il me semble nécessaire de dire, en introduction, que les rapports d’autorité dans l’Église, l’usage de l’autorité dans l’Église, tout cela est très fragile… et que, régulièrement, les choses se passent mal.

Les conflits d’autorité ne sont pas rares. Pour avoir côtoyé des conflits d’Église ces dernières années, en faisant partie de diverses commissions ou comme simple observateur, je peux dire qu’il y est régulièrement question d’autorité. Tous les conflits ne sont pas des conflits d’autorité, mais il n’est pas rare qu’il y ait des enjeux d’autorité dans les conflits d’Église ou dans les conflits de groupes ou de personnes au sein des Églises.

Et même lorsqu’il est question d’une autorité légitime, elle peut être dénaturée, pervertie ou simplement faussée par nos dispositions personnelles :

« Le désir plus ou moins secret de reconnaissance par ses pairs, l’appétence de puissance, la nécessité de nourrir un ego parfois boulimique, le doute sur ses qualités et ses aptitudes et certaines carences affectives peuvent alimenter le besoin de s’établir dans des rapports de pouvoir. De même, l’inquiétude et la peur des échanges interpersonnels, l’angoisse des rapports égalitaires et de la saine confrontation peuvent conduire à se réfugier dans des rapports de force et même de coercition avec les individus de son entourage. On assistera alors à la mise en scène de jeux de pouvoir habilement menés par le contrôle des autres, la séduction et parfois même la manipulation(1). »

Mais évidemment, il n’y a rien de nouveau sous le soleil du point de vue de l’autorité. Comme l’écrit l’exégète Andrew Clarke : « Une grande partie du contenu des lettres de Paul fut rédigé en réaction directe à des situations historiques précises de conflits de pouvoir(2). » L’apôtre Paul est parfois lui-même impliqué dans ces conflits, ou sujet de ces conflits (Corinthe), des conflits qui ont aussi parfois des ramifications qui dépassent la communauté locale (comme avec les judaïsants en Galatie).

L’autorité n’est pas la question qui changera le monde, mais c’est une question qui n’est pas sans répercussions sur le fonctionnement de nos Églises ; c’est une notion qui intervient inévitablement, implicitement ou explicitement, dès qu’on parle de groupe et d’organisation et, pour l’Église, dès qu’on parle de gouvernement, d’organisation, de leadership. Pour le dire positivement : c’est une question très intéressante à plusieurs dimensions. Parce que l’autorité est un de ces sujets englobants, un « fait social total », qui nous obligent à nous poser de grandes questions :

  • Des questions d’exégèse et de théologie biblique, et même d’herméneutique ; par exemple comment fonctionne la notion d’autorité dans le Nouveau Testament, et dans tels textes particuliers ?
  • Des questions théologiques, par exemple : quelles structures de gouvernement pour l’Église ?
  • Des questions sur le rapport à la culture, puisque les formes que prend l’autorité dans un contexte donné sont bien évidemment culturelles ;
  • Et d’autres encore.

Comme pour d’autres questions importantes, on ne trouve pas dans le Nouveau Testament des définitions ou un modèle, mais des principes, des questions et des exemples.

I. Où est l’autorité ?

Si vous avez des enfants ou des petits-enfants, ou des souvenirs d’enfance, vous connaissez probablement la série de livres Où est Charlie ?. Vous voyez de quoi il s’agit, ce petit bonhomme avec un pull rayé qu’il faut repérer sur une page remplie de personnages, d’objets, d’animaux… On sait qu’il est là, mais il n’est pas facile à localiser précisément. J’ai, à la maison, une autre série de livres du même genre où il faut trouver un mouton qui a une écharpe orange autour du cou ; il y a plein de moutons sur l’image, mais un seul a une écharpe orange. Où est Charlie ? Où est l’autorité dans l’Église ? Parfois, elle est là où l’on ne l’attend pas ; parfois, on croit la repérer, mais non, ce n’est pas elle !

Et donc, il faut peut-être commencer par localiser l’autorité dans l’Église, par en repérer les lieux clés. Nous allons donc commencer par parcourir un chemin relativement bien balisé, qui va nous permettre de passer en revue les instances d’autorité dans l’Église. La théologie chrétienne a relativement bien défini ces instances ; mais les jeux entre elles, leurs poids respectifs et leurs mises en œuvre demeurent débattus ; c’est à ces débats que cherchent à répondre les modèles ecclésiaux, les modèles de gouvernement de l’Église. Comme le dit très positivement Donald Carson : « Il existe une tension dynamique entre les instances constituantes de l’Église en matière d’autorité(3). »

Même si cette première partie du chemin est bien balisée et donc connue, il n’est pas inutile de revisiter ces instances d’autorité, et peut-être de les interroger sur tel ou tel point. Je me souviens d’un pasteur qui ne comprenait pas pourquoi […]