Il fût un temps où chacune des neuf églises du secteur accueillait plusieurs cultes chaque dimanche, en allemand et en français, à des horaires qui convenaient aux uns ou aux autres. Puis les pasteurs se sont faits moins nombreux. Chaque village s’est contenté d’un unique culte dominical. En 2018, alors que le consistoire ne compte plus que trois pasteurs, une assemblée générale de paroissiens valide une nouvelle façon de faire : les offices alternent entre les églises de chaque paroisse. Un tous les quinze jours pour chacune. «Il y a ceux qui ont suivi, et ceux qui ont décroché », sait bien Christian Uhri, pasteur de la paroisse de Schwindratzheim-Hochfelden. La paroisse d’Ingenheim se trouve tout au sud-ouest du consistoire. Elle partage sa pasteure avec celle d’Altekendorf tout au nord. Élisabeth Strub, conseillère presbytérale, admet n’aller que rarement jusque là-haut. Parfois, elle consent à conduire jusqu’à Duntzenheim à cinq kilomètres à l’Est et y croise quelques rares coreligionnaires de sa commune : « Quatre ou cinq, toujours les mêmes.» « Ce n’est pas facile de se motiver pour faire vingt kilomètres de voiture, surtout en plein hiver, expose-t-elle, tout en regrettant que les paroissiens de son église, âgés, ne soient pas plus ouverts au changement. Nous avons proposé un service de covoiturage. Mais personne ne s’est jamais manifesté pour l’utiliser. » La paroissienne est fidèle aux cultes célébrés tous les quinze jours dans son village. Pour le reste, elle a pris goût à ceux retransmis à la télévision ou même sur Internet. «Cela me permet de voir autre chose», assure-t-elle.

Un nœud dans la gorge

Roger M. (le nom a été modifié) regrette quant à lui de ne plus pouvoir se rendre chaque dimanche à pied à l’église. Désormais, il s’en tient aussi aux deux offices mensuels du village. Les autres dimanches, l’agriculteur retraité vaque la plupart du temps à ses occupations. Pourtant, la situation lui coûte. «L’important, c’est qu’il y ait un culte tous les dimanches, peu importe avec qui, défend-t-il. Il y a des lecteurs qui font ça très bien.» «Quand le nouveau plan de culte a été décidé, j’ai eu un nœud dans la gorge. Je pourrais encore en pleurer, confie Annette D., ancienne organiste à Schwindratzheim. Je n’aurais jamais pensé qu’on en arriverait là. Mais on s’habitue à tout. Je sais bien que les pasteurs font tout pour maintenir les cultes.» Alors quitte à devoir se déplacer, l’aînée en profite pour découvrir d’autres voies. Deux fois par mois, elle se rend à Waltenheim plutôt que dans la paroisse de Hochfelden, annexe de Schwindratzheim, où officie son pasteur. Elle fait profiter de sa voiture à des personnes qui ne conduisent pas. « Mais quand elles ne veulent pas venir, je n’y vais pas non plus », précise-t-elle. La famille Boetcher, de Schwindratzheim, tient quant à elle à son rendez-vous avec son pasteur et se déplace sans hésitation à Hochfelden. «À la sortie du culte, le pasteur se met devant l’église. Il prend le temps d’échanger avec tout le monde, apprécie Nathan Boetcher, 15 ans. Avant, comme il partait ailleurs pour le culte suivant, ce n’était pas possible.» «Ce serait paradoxal de se replier sur sa paroisse alors qu’on est de moins en moins nombreux, argue Sophie Boetcher, sa mère, qui ne manque d’ailleurs aucun culte consistorial. Cela permet de discuter avec des gens que l’on ne rencontrerait probablement pas autrement, apprécie-t-elle. Dans une église remplie, on a le sentiment d’être une vraie communauté. Les jeunes de tous les villages du consistoire se mélangent déjà depuis dix ans dans des groupes de catéchisme communs. «Il y a l’église avec un petite et l’Église avec un grande, en retient Nathan Boetcher, confirmé cette année. Être chrétien ce n’est pas appartenir à une paroisse mais à une communauté.»