La communauté suédoise de France est en ébullition. Constituée de couples binationaux, d’étudiants, de retraités et de familles installées dans l’Hexagone pour raison professionnelle, c’est une communauté forte et soudée. Pourtant de sombres perspectives planent sur elle, nourrissant un sentiment d’injustice.
L’église
L’édifice de brique rouge tranche avec le blanc cassé des immeubles haussmanniens alentour. Située rue Médéric dans le 17e arrondissement de Paris, l’église de référence du protestantisme suédois se remarque par son style scandinave et l’étrange impression de grandeur et de quiétude mêlées qui s’en dégagent. Sa grandeur tient à la tradition paroissiale établie vers 1626 pour célébrer le culte suédois luthérien, la quiétude palpable est donnée par les matériaux et l’ambiance qui évoquent le cocon familial.
Bâtie entre 1911 et 1913 sur un terrain acheté par la communauté suédoise de Paris, l’église avait vieilli et fut cédée à l’État suédois dans les années soixante pour une somme symbolique afin d’en prendre soin. Mais les travaux n’ont pas suivi et en 2000 l’État redonne l’église aux luthériens, à l’occasion de la loi de séparation.
Un éloignement difficile
Loin de Stockholm et d’Uppsala, le siège de l’Église nationale, la communauté de Paris subit aujourd’hui de plein fouet les conséquences de l’autonomie. Pour des raisons financières, l’Église a en effet décidé de couper peu à peu les aides aux paroisses hors frontières, dont Paris. Or les besoins du bâtiment se comptent en millions d’euros, laissant peu de chance aux Suédois de France d’assumer un jour une autonomie annoncée.
Pourtant, la communauté est solide et constitue un point de rassemblement fraternel au-delà des frontières identitaires ou théologiques. Chorales, actions de jeunesse, musique, repas, études bibliques et théologiques mêlent les milieux et les communautés dans un témoignage fort. Les pasteurs présents sur place sont aussi et peut-être avant tout des écoutants dont la population d’expatriés a besoin, loin de son cadre habituel.
Une fête pour l’espérance
La paroisse attend donc avec anxiété les décisions à venir concernant leur église. Celles-ci interviendront après la Sainte-Lucie, cette fête de la lumière si ancrée dans le monde scandinave. Et au-delà de la pétition lancée auprès des amis de la paroisse, certains pensent déjà aux effets miraculeux de la fête. Traditionnellement, cette procession est organisée le 13 décembre et menée par une jeune fille en blanc, élue et portant haut une couronne chargée de bougies. La date n’est pas choisie au hasard. Car dans l’hémisphère Nord, si le solstice d’hiver marque au 21 décembre le jour le plus court, il faut signaler que le soleil commence à se lever plus tôt dès le 13 décembre, tandis qu’il ne se couchera plus tard qu’aux environs du 5 janvier. La fête de Sainte-Lucie est donc par excellence celle de la renaissance d’une espérance enfouie. Les émissaires de Stockholm, eux, imaginent de vendre l’église à la communauté afin que cette dernière puisse devenir totalement autonome. Six millions d’euros seraient à trouver plus le prix des travaux… alors même que l’église avait été initialement financée localement. Même si les luthériens suédois ne révèrent pas les saints et les considèrent avant tout comme des exemples de foi à suivre, cette fête de Sainte-Lucie demandera cette année une espérance toute particulière.