Depuis quelques années, plusieurs affaires douloureuses ont secoué le protestantisme français et mis en lumière la difficulté de nos Églises à affronter la réalité des violences sexuelles et sexistes. Dans la continuité des rapports qui ont marqué la société et nos propres institutions, il est devenu indispensable de poser un regard lucide et pédagogique.
Des affaires qui marquent une rupture
Jean Ansaldi, professeur de théologie reconnu, a été reconnu coupable d’abus sexuels graves, exercés sous couvert d’accompagnement spirituel et universitaire. L’Église protestante unie et l’Institut protestant de théologie ont reconnu leur responsabilité et présenté des excuses publiques.
Un professeur de l’Institut protestant de théologie a été suspendu à titre conservatoire après des accusations de comportements abusifs. Aucune plainte judiciaire n’a été déposée, mais cette procédure interne a rappelé que nul n’est intouchable.
Un enseignant de la faculté de théologie protestante de Strasbourg a fait l’objet d’accusations de comportements inappropriés et de propos à connotation sexuelle. Une sanction disciplinaire prononcée en 2023 a été annulée pour vice de forme et la procédure est toujours en cours.
Ces affaires ne relèvent pas toutes du même registre, mais elles rappellent que certaines conduites constituent de véritables crimes au regard de la loi et, qu’au-delà des cas individuels, c’est la confiance même dans les institutions protestantes qui a été ébranlée. Leur écho a montré que le protestantisme, comme d’autres traditions religieuses, doit rendre des comptes sur sa manière de prévenir et de traiter les violences sexuelles et sexistes.
Un dossier difficile à construire
Au moment d’imaginer ce dossier, les débats éditoriaux ont été nourris. Comment aborder ce sujet sans rester en-deçà de l’expérience des victimes ? Comment éviter d’amplifier le scandale au point de sombrer dans le sensationnalisme ? Mais comment, inversement, ne pas minimiser ni étouffer ce qui doit être dit ? L’équilibre est fragile. Derrière chaque chiffre ou chaque cas évoqué, il y a des vies brisées, des parcours marqués par la honte et le silence. Mais derrière chaque page publiée, il y a aussi la responsabilité d’une Église, d’une communauté, qui cherche à dire la vérité sans perdre sa capacité d’écoute et de reconstruction. Ces tensions ne sont pas des obstacles : elles sont le signe de la gravité du sujet et de la nécessité de le traiter avec rigueur.
Un cap clair : sobriété et pédagogie
Au fil des échanges, une ligne s’est imposée. Le dossier ne vise ni l’autoflagellation ni la dramatisation. Il s’agit de dresser un état des lieux rigoureux, sobre et lisible.
Ce travail s’inscrit dans un contexte plus large : après le rapport de la Ciase, qui a révélé l’ampleur des abus dans l’Église catholique, et le rapport de la Fédération protestante de France (2023), qui a mis en lumière les mécanismes des violences sexuelles et spirituelles dans nos Églises et formulé des recommandations. Ces références montrent que la question dépasse les frontières confessionnelles et appelle à une vigilance constante.
Elles rappellent aussi que les violences sexuelles ne sont jamais de simples « accidents isolés », mais qu’elles se nourrissent de dynamiques systémiques : asymétries de pouvoir, sacralisation des figures d’autorité, confusion entre […]
