Nous sommes là comme dans une parenthèse sereine, dans le calme après la tempête.
Et en même temps, c’est un peu surprenant. Tout se passe comme si, après avoir été parmi les premiers à répondre à l’appel du Christ et l’avoir suivi pendant trois années, puis après avoir été explicitement envoyés par le Christ ressuscité, ces hommes, ses disciples, reprenaient leur vie antérieure, au point même où ils l’avaient laissée à son appel.
L’absent
C’est de leur barque que Jésus les a tirés, c’est à leur barque qu’ils retournent. Comme si c’était pour eux la fin de l’aventure. On tourne la page. Comme si après avoir été les disciples d’un maître qu’ils ont suivi aveuglément et auquel ils ont obéi sans discuter, tout au long de ces trois années, ils étaient maintenant saisis de vertige devant l’absence. Et quand on est pris par la peur, nous le savons bien, un des moyens de se rassurer est de se réfugier dans le connu, le familier, le ritualisé, même.
J’imagine assez bien Pierre tournant en rond, incapable de se donner un but, incapable aussi de rester à attendre, lui qui a tellement circulé ces dernières années, incapable de rester à ne rien faire. Attendre quoi d’ailleurs ? Pierre est sans perspective concrète, sans programme, désorienté.
« Je vais à la pêche », lance-t-il à la cantonade comme on pourrait dire, de nos jours : je vais sortir le chien, ou faire un jogging – n’importe quoi plutôt que ce vide !
Et ses amis le suivent. Enfin, une initiative ! Ils ont l’habitude de suivre, ils ont besoin, eux aussi, d’occuper leurs mains pour domestiquer leurs pensées et calmer les questions qui doivent les traverser sans fin. Tout ça pour ça, doivent-ils penser !
Vers quelle victoire ?
Qu’on imagine seulement : cela fait quelques semaines, ils marchaient fidèlement à la suite du Messie, ils étaient heureux et fiers de tout ce que cet homme accomplissait au nom de […]