La Bible raconte comment des réconciliations entre frères ont parfois pu se réaliser, sans omettre de relater aussi les échecs. Ainsi dans la Genèse, avec les premiers frères, Caïn et Abel. L’aîné, jaloux de son cadet, cherche à lui parler. Mais les mots ne lui viennent pas. Les personnages restent sur un non-dialogue : « Caïn dit à son frère Abel : “(silence)” ». Toute la haine de Caïn s’exprime alors par un geste violent : « Caïn attaqua son frère Abel et le tua ». Et cela dans le même verset (1). Voilà bien une jalousie qui ne pardonne pas ! Un peu plus loin, on rencontre Jacob et Ésaü, également frères et même jumeaux. Mais leur histoire commune démarre plutôt mal. Jacob reçoit, par ruse, la bénédiction de leur père à la place de son aîné (2). À cause de cela, il doit s’échapper, loin, longtemps. Puis, décision prise par Jacob de ne plus fuir le regard de son frère, le temps des retrouvailles finit par arriver. Toutefois un doute planera jusqu’au bout sur la sincérité et la profondeur du pardon accordé par Ésaü. Les choses sont plus claires avec Joseph. La motivation de son pardon envers ses frères qui l’avaient pourtant lâchement abandonné dans sa jeunesse, il la puise dans sa relation avec Dieu : « Mais ne vous affligez pas maintenant et ne soyez pas tourmentés de m’avoir vendu ici, car c’est Dieu qui m’y a envoyé avant vous pour vous conserver la vie. » (3)

Pas de pardon sans Dieu

Le livre de la Genèse nous laisse découvrir progressivement le bien-fondé du pardon. Mais sur le plan théologique il y a plus fort encore. Le vocabulaire du pardon dans l’Ancien Testament est en effet souvent associé à Dieu. Un verbe fréquent en hébreu (salach) qui peut se traduire par donner le pardon, atteste déjà dans la Loi, du fait que Dieu donne le pardon : « Je pardonne comme tu le demandes. » (4) Surtout il y a un substantif à partir de la même racine hébraïque du verbe qui n’apparaît qu’une seule fois dans tout l’Ancien Testament, au Psaume 86, verset 5 et que la traduction œcuménique de la Bible traduit par : « Seigneur, toi qui es bon et qui pardonnes ».

Ce qui pourrait se traduire encore plus précisément par : « Seigneur, bon et [toujours] prêt à pardonner » ! Le pardon fait ainsi partie intégrante du portrait de Dieu. Et le Christ va d’ailleurs le faire comprendre encore dans d’autres dimensions. Il l’enseigne tout d’abord à travers la prière du Notre Père : « Pardonnenous nos torts envers toi, comme nousmêmes nous avons pardonné à ceux qui avaient des torts envers nous » (5).

Puis à travers ses discours dont le commentaire qu’il donne juste après la prière modèle : « En effet, si vous pardonnez aux hommes leurs fautes, votre Père céleste vous pardonnera à vous aussi ; mais si vous ne pardonnez pas aux hommes, votre Père non plus ne vous pardonnera pas vos fautes » (6). Jésus ira ensuite jusqu’à se présenter de la manière suivante : « Eh bien ! afin que vous sachiez que le Fils de l’homme a sur la terre autorité pour pardonner les péchés… » (7) Enfin, en guise de témoignage ultime, Jésus dit encore sur la croix, à propos de ses bourreaux : « Père, pardonne-leur car ils ne savent pas ce qu’ils font. » (8) Dans ses lettres, l’apôtre Paul n’a pas vraiment, à bien y regarder, relayé cette exhortation au pardon. Il voyait “simplement” dans la mort du Christ le prix payé pour le pardon des péchés. Dans sa lettre aux Romains, au chapitre 3, le verset 25, il écrit : « C’est lui que Dieu a destiné à servir d’expiation par son sang ». Gageons cependant que pour nous, chrétiens, cette force d’amour enseignée et offerte à nos manques par le Christ, puisse toujours conserver envers les autres… le pardon pour cible !

Claude Mourlam, pasteur et responsable du service d’animation biblique de l’Uepal

1) Genèse 4,8 (2) Genèse 27,16 (3) Genèse 45,5 (4) Nombres 14,20 (5) Matthieu 6, 12 (6) Matthieu 6, 14-15 (7) Matthieu 9,6 (8) Luc 23,34