Bien sûr, la femme est dans la grotte élevant les enfants et l’homme part chasser le mammouth. Beaucoup de compréhensions de la différence entre homme et femme se fondent sur ces idées reçues valorisant la force.

Des pensées trop banales

C’est le cas notamment en matière d’organisation ou de gestion de l’autorité au sein de nombreux groupes humains. L’Église ne déroge pas à la règle : la présence des femmes y est par exemple très majoritaire dans les paroisses et se réduit singulièrement dans les sphères régionales ou nationales, comme souvent ailleurs dans la société. Et même si beaucoup de femmes assument u ministère pastoral, il durera statistiquement moins longtemps que celui de leurs confrères ; les femmes ne sont pas encore traitées à l’égal des hommes, c’est une évidence factuelle.

Le plus futé l’emporte

Pourtant, le combat entre David et Goliath montre combien la primauté de la force est une voie culturelle sans issue. Cette impasse mentale est néanmoins encore très pratiquée et entraîne au sein des instances de décision une méfiance à l’égard d’autres manières de penser ou de faire autorité. L’accession de femmes à ces fonctions centrales demande donc une dépense d’énergie plus importante aux candidates ainsi qu’une volonté réelle des instances de discernement, là où nommer un homme se fait tout naturellement et sur d’autres critères que sa masculinité.

Comprendre et prévenir ce phénomène implique de se fonder, entre autres, sur une compréhension des figures bibliques féminines. La Bible les cite en raison de leur parcours de vie toujours inspirant, lequel marque systématiquement un tournant dans la compréhension que le peuple a de sa vocation et des rapports avec son Dieu : franchissement de la stérilité vers une promesse avec Sarah, rappel de la place de la spiritualité dans l’autorité avec Esther, etc. Une présence décisive Si les figures féminines de la Bible marquent de tels tournants dans l’histoire du peuple, c’est qu’elles redonnent aux impasses créées par la succession de décisions institutionnelles souvent masculines un autre type d’issues et redéfinissent une perspective. L’archétype en est bien sûr Marie qui, dans les évangiles, accepte de franchir les limites du compréhensible, du normal, de la logique et de donner au monde Jésus, c’est-à-dire une parole capable d’infléchir la compréhension même de la loi pour proposer une espérance. Si la Bible cite statistiquement moins de femmes que d’hommes, leur présence est ainsi toujours décisive et constitue à chaque fois un exemple par lequel Dieu incite plus largement l’être humain à penser et agir différemment.

Reprendre la route

Il n’est pas besoin d’analyser les fondements du féminin ou les ressorts de la féminité comme le ferait un psychologue, pour constater que la présence de femmes dans les instances ecclésiales crée des possibles. Ne serait-ce que le fait de cette présence implique qu’une autre manière de penser et d’agir est possible, et qu’elle est légitime. Est-ce contrariant pour une institution ? Est-ce une chance ? Ce que l’on peut dire, c’est que la simple existence d’un choix crée un entre-deux, un chemin possible. Et qu’on le veuille ou non, un mouvement se crée automatiquement pour habiter ce chemin. Il en résultera souvent des décisions fondées par le dialogue, le temps du cheminement et les expériences tentées, plutôt que nées d’une vision ou d’une stratégie. De telles décisions ont des chances d’être partagées et mises en œuvre, car elles tiennent leur autorité de la méthode qui les inspire plutôt que du recours à une autorité hiérarchique.

L’autre impose une différence

La tendance est actuellement de viser la parité des sexes dans les instances et les lieux électifs, quels qu’ils soient : entreprises, organisations politiques, associations. De nombreux coachs comptent dans leur clientèle des manageurs d’entreprise hommes auxquels il est demandé de laisser éclore en eux une part de féminité. Nul ne sait ce que ce mouvement donnera à long terme, mais les figures bibliques ne s’attachent pas forcément à la sexuation elle-même ; elles visent à remettre l’humain en chemin et changer les états d’esprit en acceptant d’autres modes de décision et de relation entre les personnes.

De la maîtrise à la concertation

Cette variété est déjà visible dans les Églises protestantes, notamment au niveau paroissial. Dans certains lieux, c’est le charisme du pasteur qui entraîne la communauté et le Conseil presbytéral suit et valide. Ailleurs, c’est le Conseil qui forge un projet qui sera mis en œuvre avec le pasteur. Historiquement, il existait même dans l’Église des communautés qui prenaient les décisions à l’issue des cultes, dans une sorte d’assemblée générale permanente. Si la Constitution de l’Église est précise sur les prérogatives de chacun, les pratiques sont multiples. Mais il importe aujourd’hui de faire un pas de plus vers l’acceptation que rien ne peut être logiquement maîtrisé ni prévu de manière unique dans une Église qui valorise un système presbytérien synodal avec des régions assez autonomes et des décisions normalement prises en collégialité. Une forme d’Église de la concertation est en train de naître et de modifier l’organisation classique. Elle est en partie inspirée par les figures bibliques féminines et soutenue par l’engagement des femmes d’aujourd’hui.