Autour du IIIe siècle après J.-C., la méthode dite « des quatre sens de l’Écriture » fit son apparition dans le christianisme. Cette méthode partait du postulat selon lequel la Bible contenait des sens cachés, et qu’il était possible de les retrouver au moyen d’une lecture attentive. Cette approche témoigne d’un grand respect pour l’Écriture et considère la Bible comme un texte fortement inspiré. Cette compréhension de l’Écriture directement inspirée du judaïsme a évolué au fil des siècles.

Une évolution historique

La philosophie s’est mêlée à l’interprétation de l’Écriture et l’argumentation logique aristotélicienne a permis aux pères de l’Église de lutter contre les hérésies diverses. En introduisant la philosophie comme méthode censée servir la théologie, l’apologétique chrétienne ne se doutait pas qu’elle ouvrait une possibilité de critique du texte biblique qu’elle ne pourrait plus jamais refermer. Rien d’étonnant à ce que Luther, voulant revenir aux racines de l’Écriture, s’opposa fortement à l’usage de la philosophie afin d’interpréter le texte biblique. Il percevait très certainement le danger exégétique que produisait une telle méthode. Au XVIIe siècle, le grand Spinoza fit trembler le monde religieux de son époque par son approche novatrice du texte biblique ouvrant tout droit la porte à… la méthode historico-critique ! Cette exégèse interroge la composition littéraire du texte biblique et le contexte historique dans lequel il fût rédigé. Cette approche enfonça le clou en interrogeant la sacralité dans laquelle la Bible avait été, jusque là, confinée.

Et pour nous aujourd’hui ?

Il me semble que le rapport calviniste à l’Écriture nous permet une sorte d’équilibre entre l’inspiration divine du texte et une logique « scientifique » permettant de l’interpréter. Calvin affirme que la Bible ne devient parole de Dieu que sous l’action du Saint Esprit. Ce faisant, il reconnaît que le texte biblique est un texte humain, lié à une histoire, à une culture, et que ce n’est que grâce à l’action dynamique de l’Esprit que la parole humaine nous relie à Dieu. Cet équilibre fragile me semble d’une grande sagesse, évitant tout à la fois fondamentalisme religieux et relativisme total. Enfin, si nous avons tendance à rechercher ce que la parole nous dit, à nous aujourd’hui, il ne faut jamais perdre de vue que les auteurs, au moment où ils ont rédigé ces textes, avaient un but précis, un sens dont ils souhaitaient témoigner. Et même si toute œuvre échappe forcément à son auteur (en particulier lorsqu’il s’agit de la Bible !) ne faisons pas trop vite le deuil de la recherche de ce sens premier, au détriment de nos propres désirs et grilles de lectures modernes, car nous passerions peut être à côté de l’essentiel.