Par Jean-Pierre Sternberger, bibliste régional CAR
Matthieu, selon la tradition, aurait été le scribe juif rencontré par Jésus et devenu chrétien dont il est question en Matthieu 9.9. Jésus lui-même ferait allusion à son travail en Matthieu 13.52 quand il évoque un maître de maison qui puise dans son trésor des choses anciennes et nouvelles. Les choses anciennes renverraient aux nombreuses citations de la Bible juive dont le premier évangile est le plus friand. Les choses nouvelles désigneraient les enseignements de Jésus comme ses paroles ou encore ses interprétations des textes anciens parfois en rupture avec celles qui avaient cours en son temps (« vous avez entendu qu’il a été dit… mais moi, je vous dis… »).
Même si cette attribution n’a rien d’impossible, il semble peu vraisemblable que l’évangéliste fût un contemporain de Jésus. S’il s’agit effectivement d’un chrétien d’origine juive, grand nombre d’exégètes contemporains pense que notre auteur vivait 50 ans au moins après la mort de Jésus, peut- être en Syrie, où il aurait composé son ouvrage en puisant dans les textes qui circulaient déjà dans sa communauté.
Une violente polémique
Par l’élaboration de ce nouvel évangile, notre homme (ou notre femme, nul n’en sait rien) souhaitait, semble-t-il, faire le lien entre le riche patrimoine juif fait de respect de la loi et d’une connaissance approfondie des Écritures d’une part et, d’autre part, la nouveauté et l’ouverture à l’uni- versel apportée par le Christ. Quand il cite les Écritures bibliques, c’est pour souligner qu’elles s’accomplissent au fil du ministère du messie Jésus. De là aussi la structure de l’ouvrage au cours duquel Jésus livre au monde cinq grands discours, cinq selon le nombre des livres de la Thora attribués à Moïse.
La toile de fond de cet évangile reste la violente polémique contre les scribes et les Pharisiens. Or ces derniers furent pourtant, à n’en pas douter, sur un plan théologique, les plus proches de Jésus. Dans le long chapitre 27 qu’il consacre à la passion de Jésus, aucun pharisien n’apparaît à aucun moment. On ne saurait leur imputer le crime perpétré par […]