C’est un fait acquis que la Bible a été écrite dans un contexte spatio-temporel patriarcal. Elle est – entre autres – le fruit d’une société où l’homme a globalement toujours dominé la femme, notamment jusqu’à nier tout ou partie de sa dignité en la rangeant dans le droit de propriété plutôt que dans le droit des personnes, comme c’est le cas dans le dernier des dix commandements. La femme se retrouve au milieu de la maison, du bœuf, du champ et de l’esclave en Deutéronome 5,21.

Pour autant Jésus va mettre à mal ce patriarcat à plusieurs reprises de façon très concrète, par exemple en refusant que l’adultère ne soit considéré que comme la faute d’une femme, que de nombreux hommes s’apprêtent à lapider, en Jean 8,7.

Dans la strate la plus productive de la rédaction biblique, qui est la période exilique et post-exilique (après le 6ème siècle avant Jésus-Christ), un récit fondateur qui dépasse le judéo-christianisme pose une contestation fondamentale du patriarcat. Le très connu épisode d’Adam et Ève rencontrant le serpent (en Genèse 3) donne lieu à une punition très étonnante de la part de Dieu, qui dit à la femme : « Je multiplierai la peine de tes grossesses. C’est dans la peine que tu mettras des fils au monde. Ton désir se portera vers ton mari, et lui, il te dominera. » D’aucuns voudraient voir là une justification de la domination masculine. J’y vois au contraire une condamnation ontologique du patriarcat.

En effet, le patriarcat est ici présenté comme une conséquence du péché. Il est donc le signe même d’une humanité qui a chuté, d’une société qui a fait échouer le projet initial du Créateur. Le patriarcat est donc la pomme pourrie de l’échec, il est vraiment, je pense, le signe même d’une humanité qui veut vivre sans Dieu, qui prétend créer — péché immense — une domination de l’humain sur l’humain. Pourtant, justement, dans la narration qui précédait, l’Humain devait dominer sur toute la création animale et végétale, mais assurément pas sur les autres humains. La domination de la femme par l’homme devient ainsi la deuxième […]