Enfin le Royaume ?
Quarante jours après sa résurrection, Jésus est enlevé au ciel. Pendant ces quarante jours, Luc nous dit que Jésus enseigna encore ses disciples, leur parlant de ce qui concerne le Royaume de Dieu. Il les institua comme les continuateurs de son œuvre, en leur donnant ses ordres par le Saint-Esprit. Pour accomplir leur mission, ils recevront une aide, et Jésus déclare mystérieusement qu’ils doivent attendre la promesse du Père dont il leur a parlé. Le lecteur qui connait la suite du livre devine qu’il s’agit du Saint-Esprit qui sera répandu à Pentecôte. Mais est-ce si clair pour les apôtres ? Savent-ils vraiment ce que le Maître attend d’eux ?
Jésus leur demande de demeurer à Jérusalem. Ce centre politique et religieux ne peut qu’être le point de départ d’une nouvelle ère. Dans Luc, la prophétesse Anne n’annonçait-elle pas déjà face à Jésus nouveau-né « la rédemption de Jérusalem » ? Durant tout le ministère de Jésus, l’ambiguïté a persisté : le Fils de David viendrait certainement rétablir avec puissance le trône de son ancêtre. Jésus lui-même a pu alimenter cette ambiguïté par une attitude messianique et royale à la fois. Jusqu’au bout, les disciples crurent que le Royaume d’Israël allait être relevé par Jésus. D’où la cruelle désillusion de l’élimination rapide du supposé prétendant au trône. Les deux disciples cheminant avec Jésus trois jours après la Passion le déclarent avec tristesse : nous espérions que ce serait lui qui délivrerait Israël. Les apôtres d’après la résurrection n’ont apparemment pas davantage évolué, car leur réponse à la promesse de Jésus d’un baptême d’Esprit saint est : Seigneur, est-ce en ce temps que tu rétabliras le royaume pour Israël ? Ainsi, l’annonce par Jésus de la venue du Royaume de son Père se heurte toujours à la même incompréhension : celle de l’attente d’un royaume politique et théocratique, ici et maintenant, dans lequel les apôtres occuperaient sans doute les meilleures places !
Du futur au présent
L’œuvre de Jésus fait jaillir la question de l’identification du Royaume : comment le reconnaître, quels sont les signes infaillibles de son institution (Lc 17.20-21) ? Jésus répond que le temps du Royaume échappe à l’homme ; il ne se matérialise pas de façon visible, mais il est « en vous ». Même constat à l’Ascension : le temps est un mystère qui n’appartient qu’au Père ; le ciel est vide au regard, Jésus s’est dérobé dans la nuée jusqu’à la fin des temps.
Même si Jésus a promis à ses apôtres une place à ses côtés dans sa future seigneurie, pour le présent leur regard est ramené sur terre (Ac 1.11), là où les attend la longue tâche du témoignage. Si le Seigneur est parti, les disciples ne sont pas pour autant abandonnés à eux-mêmes, puisque l’Esprit promis leur sera bientôt envoyé. Esprit qui guidera les missionnaires pour que ce Royaume de la Parole soit bâti comme le Seigneur le veut et non comme les hommes en décident (Ac 16.6-8).
Renonçant à s’extraire du monde en une contemplation vide (rester à regarder le ciel), les disciples repartent au point de départ de l’Évangile, Jérusalem. Non point pour y restaurer la royauté politique d’Israël, mais pour se mettre humblement tous ensemble en prière. Ayant enfin entendu que leur participation à la seigneurie du Christ passait par le service et le choix des plus modestes places (Lc 22.24-27), les disciples sont appelés à se mettre en route pour proclamer cette royauté paradoxale du Seigneur, du Roi qui se tient parmi vous comme celui qui sert.
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