L’épisode du veau d’or est l’archétype de la rupture de l’Alliance de Dieu par le peuple, alors qu’il était censé attendre le retour de Moïse, parti pour une rencontre dans la montagne. Dans l’esprit de tout un chacun, cette histoire signifie l’impatience et le désir de toute-puissance des humains qui finissent par se créer leurs propres idoles lorsque la réponse de leur Dieu n’est pas immédiate ou favorable.

Quand le peuple mène la danse

Cependant, la rédaction très travaillée du récit appelle à ne pas rester sur cette impression et apporte une touche d’espoir. Certes le peuple s’assemble près d’Aaron, qui a été désigné pour le garder durant l’absence de Moïse, mais il ne décide rien avec lui ; Aaron est simplement informé de la décision collective de se faire des dieux.

Ainsi en est-il de toute société : elle s’empare d’un sujet d’actualité, considère son propre avantage et influe sur ses chefs afin qu’ils se transforment en meneurs du projet. Le monde n’a guère changé depuis l’exode.

La dégradation du pouvoir

Le problème vient d’Aaron, qui ne discute pas mais va aller dans le sens du peuple pour le mener dans la construction. Le chef n’est plus le vis-à-vis visionnaire de son peuple, il devient servile. Que ce soit pour une raison de peur, de confort ou d’intérêt personnel, le chef abandonnant la mission qui fait la force de son poste perd sa légitimité.

Il dépouille ainsi son peuple de ce qui fait sa puissance. Et cela se traduit par l’ordre donné à la population d’arracher les bijoux pour les fondre. Le peuple sans chef devient alors un peuple sans richesse. En retour, le peuple prend le pouvoir et déclame comme une vérité l’objet de son désir : « Voici les dieux qui t’ont fait sortir d’Égypte. »

Vers l’inconscience des autres

L’actualité montre combien le peuple, désireux de faire avancer telle ou telle cause, prend rarement en compte la complexité des réalités mais se focalise sur un point unique de la situation, lui octroyant le statut de but ultime, d’objectif absolu. Veut-on mourir dans la dignité ? Se focaliser sur la seule souffrance pour […]