Un autre monde par Jean-Frédéric Patrzynski
En ce vendredi mis à part, c’est-à-dire saint, le Seigneur accomplit la promesse qu’il avait faite à Noé. Il vit jusqu’à l’extrême l’amour qu’il a pour ses enfants, nous tous. Il se donne à travers son Fils pour que nous vivions d’une vie nouvelle en harmonie avec Lui et avec sa Création. La célébration du Vendredi saint nous rappelle l’incarnation de Dieu en Jésus, son Fils, le Christ, Le Sauveur. Nous sommes coupables, c’est lui qui est jugé et condamné. Il vit notre vie jusqu’à vivre notre mort, notre peur et aussi notre révolte. Père, si cela est possible éloigne de moi cette coupe, dit-il dans le jardin avant son arrestation. Mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? crie-t-il sur la croix.
Ainsi, célébrer ce jour fatidique nous permet de prendre conscience de l’amour immense de notre Père alors que nous en sommes indignes. Et bien que nous soyons dans la tristesse et la repentance, nous apprenons que par le don que Dieu nous fait en son Fils, il veut que nous vivions. Nous ne pouvons pas parler de résurrection s’il n’y a pas auparavant une mort. Ainsi en est-il pour nous tous quand nous sommes passés du ventre de notre mère à ce monde. Nous sommes morts alors à une vie pour accéder à une nouvelle vie. Le Vendredi saint est cet instant du passage d’un monde à un autre monde. Passage qui se traduit en hébreu par Pessah, c’est-à-dire Pâques. Instant terrible et pourtant empli d’une vie nouvelle déjà annoncée.
Pâques commence en ce jour et c’est bien cela que nous célébrons alors. Pour mieux nous préparer à l’explosion de lumière et de vie, toute lumière s’éteint et toute bouche se tait. C’est pourquoi j’ai l’habitude, à la fin de cette célébration du Vendredi saint, d’éteindre la bougie qui peut se trouver sur la Table sainte et de fermer la Bible car je ne peux plus entendre Dieu me parler puisque je suis mort avec mon Seigneur et Sauveur. Je reste dans le silence et l’attente. Je suis dans l’espérance de la vie nouvelle qui m’est offerte, nous est offerte, au matin de Pâques.
La fin du sacrifice par Éliane Humbert
Je n’aime pas les célébrations du Vendredi « saint ». Nous nous croyons obligés de nous morfondre dans la pénombre, de faire une tête d’enterrement, de parler du « sacrifice » de Jésus Christ et de notre responsabilité… C’est ma faute, ma très grande faute. Il est mort pour nous, Il s’est offert en sacrifice pour notre Salut… Sacrifice ? Survivance de l’antiquité où il fallait offrir une vie pour s’assurer les bonnes grâces d’une divinité ? Comment croire en un Dieu assoiffé de sang, réclamant le sacrifice d’un innocent ? Comment croire que la mort ignominieuse et atroce d’un homme soit nécessaire à la rédemption du genre humain ? Dieu n’a-t-il pas mi fin aux sacrifices humains avec Abraham et Isaac ? Et fin à tous les sacrifices avec Esaïe : Voici le sacrifice auquel je prends plaisir : brise les chaines injustes… ?
Est-il permis de lire l’Évangile autrement ? Dans tout le Premier Testament, Dieu nous enseigne qu’Il est inconnaissable, « tout autre » et que nos tentatives pour Le définir sont vaines : impossible de L’enfermer dans des mots, des formules, des cérémonies, pas plus que dans des temples, ou des « hauts lieux ». Mais l’homme ne peut se retenir de convoquer le Seigneur par des liturgies bien réglées, des clergés spécialisés, des offrandes cataloguées… De transformer le culte en gestes répertoriés, obligatoires, démonstratifs.
Jésus a incarné l’amour véritable. Il nous a délivrés d’une compréhension mercantile et matérielle de notre rapport à Dieu, et en même temps, de l’autorité étouffante des docteurs de la loi, des offrandes comptabilisées, de la religiosité ostentatoire : Quand tu pries, monte dans ta chambre et prie ton Père dans le secret. Il a bousculé l’ordre établi, les traditions religieuses et les autorités, et il en est mort. Toucher à leur religion est insupportable aux humains. Toute l’histoire en témoigne… encore aujourd’hui. Comme si la religion était plus importante que l’amour de Dieu.