Pourtant, force est de constater que l’argent et l’économie sont de plus en plus fondamentaux dans nos vies.
Economie et croyances
En 1905, Max Weber a exploré les « affinités électives » entre L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme, un lieu commun répété à l’envi jusqu’à aujourd’hui malgré la solide critique d’André Biéler dans La pensée économique et sociale de Calvin (1959). De son côté, Jacques Ellul (L’homme et l’argent, 1954) montre que l’argent est bien plus que l’outil d’un mécanisme purement économique. Il est devenu – mais peut-être l’a-t-il toujours été ? – une véritable puissance spirituelle.
Aujourd’hui, l’économie capitaliste s’est transformée radicalement, tant du point de vue quantitatif que qualitatif. Elle étend son emprise sur la quasi-totalité des activités humaines. Simultanément, face à ses crises à la fois attendues et imprévisibles, la dimension purement « scientifique » de l’économie est de plus en plus remise en question. Celle-ci repose en effet largement sur la foi de ses acteurs dans les dogmes qui la fondent. Certains auteurs voient même dans l’économie un système de croyances ! Promouvoir un regard théologique sur l’argent devient donc urgent.
Une question d’actualité
Une enquête biblique et théologique interrogeant les liens entre l’argent et la croyance s’avère ainsi riche en découvertes comme en questions. Ici, l’argent n’est pas un thème traité pour lui-même mais les effets délétères qu’il produit sur l’esprit humain sont au centre de la préoccupation de plusieurs textes. C’est le cas de la rencontre entre Jésus et le jeune homme riche dans les Évangiles, de la parabole du gérant avisé en Luc (chap. 16) ou encore des adresses aux riches dans l’épître de Jacques (chap. 4-5). Et la parabole du débiteur impitoyable de Matthieu (chap. 18) montre qu’en dernier ressort, il est bien question d’humanité ou d’inhumanité jusque dans les dettes économiques.
Aujourd’hui, la finance repose sur une conception du monde en même temps qu’elle en façonne l’esprit. Elle en est en tout cas maître du jeu. Au-delà de la métaphore commune de l’Argent-Dieu, n’y a-t-il pas des affinités structurelles et fonctionnelles entre le divin et l’argent ? Car à bien y regarder, l’argent est référent universel de la valeur de toutes choses, et de ce fait ce qui permet de mettre en relation, de relier – une des étymologies du mot religion – entre eux tous les acteurs de l’économie. Enfin, l’argent peut devenir assurance sur l’avenir au travers de l’épargne comprise comme maîtrise, voire marchandisation du temps. Référent universel, reliant tous les humains, ouverture eschatologique sur l’avenir… si ce n’est pas du divin, au niveau fonctionnel, cela y ressemble quand même !
De nouveaux champs de réflexion
Depuis quelques années, des chaires croisant ces problématiques ont été créées. Pour n’en citer que quelquesunes dans le domaine francophone, mentionnons la Chaire Hoover de l’Université catholique de Louvain, qui a pour ambition de stimuler une réflexion éthique dans la recherche et l’enseignement des sciences économiques et sociales ; les cours « Église et économie » au Centre Sèvres à Paris ; un colloque à Strasbourg en 2014 sur le thème : Religion et économie : la crise de toutes les croyances ? À un plus modeste niveau, l’Atelier protestant propose un cycle « écothéo » pour susciter une réflexion sur ces questions. Il a aussi organisé, en collaboration avec la paroisse de Montrouge, des tables rondes sur le thème L’argent, quelles valeurs ? Pourquoi ne pas se saisir ensemble de ces questionnements dans le cadre d’une animation théologique paroissiale ?