- Pourquoi est-ce cet article justement qui centralise autant de recherches internet ?
- Pourquoi les termes de recherches utilisés se centrent-il sur l’interdit ?
- Qu’est-ce que cela dit des personnes qui sont en recherche ?
J’ouvre ici quelques pistes de réflexion qui n’ont pas vocation à être exhaustives mais bien plutôt à ouvrir le débat.
1. Pourquoi cet article justement ?
Nos sujets de discussion brassent large, pourrait-on dire ! Nos auteurs et autrices postent de très beaux textes de spiritualité, des articles de type « boîte à outils » pour aider les Églises à progresser dans l’intégration des deux sexes, des témoignages d’hommes et de femmes engagés dans l’œuvre du Seigneur, des études plus ou moins approfondies sur le texte biblique et proposent également des recensions de livres sur le sujet des relations homme/femme.
Mais c’est cet article intitulé « Pourquoi l’apôtre Paul ne permet-il pas à la femme d’enseigner ? » qui cumule le plus de vues et le plus de commentaires de lecteurs et lectrices. Pourtant nous en avons supprimé un grand nombre, que nous avons estimé contraires à la bienveillance que nous prônons dans les débats et que nous avons reconnue comme étant l’une des 6 valeurs de notre blog.
Je fais donc tristement le constat que le sujet de ce qui est permis, interdit, conseillé, valorisé pour les femmes reste un sujet majeur de discussion et de recherches au 21e siècle.
Je fustige régulièrement les articles intitulés « Est-il permis à un chrétien de …» qui tous semblent ignorer que le Christ est venu nous libérer de la loi et que c’est cette liberté chèrement acquise qui caractérise le chrétien et non plus l’obéissance à la loi.
Il semble que nous allions dans la direction inverse. Cela dit, quelques signes – mentionnés dans la conclusion de mon livre « Qui nous roulera la pierre ? » – paru en 2018 – apparaissaient déjà il y a quelques années de part et d’autre des océans, qui tous pointaient vers le refus d’avancer vers une dynamique de liberté seule capable de construire le « Servir Ensemble » que nous espérons voir advenir :
« Certes, la place des femmes dans la société a incroyablement évolué depuis le milieu du XIXe siècle et au cours du XXe siècle (…) Mais parallèlement, et comme en réponse à cette dynamique, naissent de nouvelles crispations et des replis identitaires, qui en s’exprimant, bloquent l’évolution des mentalités. Pour exemple, le livre « Marie-toi et sois soumise » de l’italienne Miranda Costanza a été numéro un des ventes dans les librairies religieuses en 2015 et 2016. De même, le succès de l’interminable litanie des 50 shades of Grey et de leurs produits dérivés, prouve l’attrait que les relations brutales de domination peuvent exercer encore sur des femmes avides de vivre de nouvelles expériences et inconscientes de l’engrenage qu’elles suscitent. La question se pose alors pour chacun de nous : serons-nous ouverts à d’autres façons de vivre la foi, le couple et la relation hommes-femmes ou au contraire allons-nous, nous aussi, rejeter tous ceux et surtout toutes celles qui, à cause de leurs différences de points de vue, semblent mettre en danger nos propres convictions ? »[1]
Ces signes tout d’abord légers et épars se renforcent ces dernières années avec l’apparition de nombreux comptes sur les réseaux sociaux, qui chantent les louanges et la gloire de l’épouse traditionnelle (#tradwife) en affirmant qu’elle est le seul modèle véritablement biblique. Comprenez bien évidemment ici l’épouse qui ne travaille pas à l’extérieur de sa maison !
Exit, les femmes entrepreneuses qui, à l’instar de la femme vaillante de Proverbes 31, ne demande pas son avis à son mari avant d’acheter un champ, ce qui prouve bien son indépendance financière !
Exit, les femmes qui à l’instar des Déborah, Yaël, Abigaël de l’Ancien Testament, occupent des postes traditionnellement réservés aux hommes.
Exit également les Lydie, marchande de pourpre qui font pression sur les apôtres pour qu’ils viennent exercer leur ministère dans leur maison, ainsi que les Phoebe, ministre de l’Église de Cenchrée, les Priscille qui enseignent avec leurs époux.
Exit toutes les autres qui croient qu’elles ont des choses à vivre à la fois dans leurs maisons et dans la société !
2. Pourquoi toutes ces recherches focalisées sur les interdits ?
La majorité des termes de recherche qui aboutissent à l’article dont il est question contiennent les termes « interdit », « empêche » ou « ne permet pas »[2]. Il s’agit donc d’une démarche de limitation et de cadrage[3]. De plus la violence de certains commentaires (non publiés puisque les administratrices du blog ont choisi, au regard de cette violence justement, de modérer les commentaires) amène à penser que ce qui serait autorisé ou permis aux femmes touche de très près ce qui est donné aux hommes et aboutirait dans leurs compréhensions à modifier leur propre identité.
Certains nous traitent de « diables », d’autres encore affirment que « la femme est indigne de l’homme parce qu’elle n’est pas complète dans la vérité du couple »…
Depuis quelques décennies, pour faire face aux arguments des « féministes », des théologiens n’hésitent plus à modifier l’une des doctrines les plus centrales du christianisme, à savoir la notion d’un Dieu trinitaire, dans laquelle chacune des personnes est pleinement et totalement Dieu sans être l’autre.
Etant donné qu’il faut bien justifier théologiquement la subordination éternelle de la femme sans pour autant diminuer la valeur de son être (cela ne serait plus accepté aujourd’hui), un Dieu-Fils éternellement subordonné au Dieu-Père vient remplacer le Dieu-Fils, Un avec le Père. À mon sens, cela revient à faire Dieu à son image, ou plutôt à l’image de ses présupposés…
Ainsi, dans un article intitulé « la hiérarchie voulue par Dieu » et publié dans le mensuel chrétien « Promesses» en 2002, Jean-Pierre Schneider écrit :
« Il n’est pas question de valeurs ici, mais de fonctions. Comme la suite le démontre, le Père, le Fils et le Saint-Esprit se trouvent dans une relation hiérarchique, sans qu’une des trois personnes de la divinité ait moins d’importance que les deux autres : il en va de même en ce qui concerne les relations hiérarchiques entre l’homme et la femme, les parents et les enfants, les maîtres et les serviteurs (les patrons et les ouvriers). »
Et il conclut sa réflexion en affirmant : « La divinité se constitue à partir d’une hiérarchie bien définie. L’homme et la femme créés à la ressemblance de Dieu sont aussi intégrés dans un ordre hiérarchique. Quand ils s’y soustraient, ils agissent contrairement à l’ordre et au commandement de Dieu et perdent la bénédiction dont bénéficient ceux qui se soumettent à l’ordre établi par Dieu. »
Ce courant de théologie prône une hiérarchie et une subordination éternelle entre le Fils et le Père comme étant le socle théologique de la hiérarchie existant entre l’homme et la femme. Cet argument récent dans l’histoire de la théologie modifie substantiellement les relations existantes entre les trois personnes de la Trinité, allant jusqu’à frôler le trithéisme. En effet, les caractéristiques principales de la Trinité sont modifiées par la mise en valeur de la trinité économique (dans leurs différentes fonctions liées aux actes de salut, les personnes divines vivent une hiérarchie) au même niveau que la trinité immanente (ce que Dieu est en lui-même en dehors de son action salvifique).
Or, Karl Barth[4] avait renouvelé la compréhension des rapports entre ces deux manières de concevoir la Trinité en affirmant que la réalité ‘Dieu en soi-même’ dépasse largement et à jamais la révélation de ’Dieu pour nous’ c’est-à-dire dans la révélation et l’incarnation. Et c’est pour cela que la priorité doit pour lui être laissée à la Trinité immanente. Dieu en soi-même, inconnaissable et inatteignable.
Emmanuel Durand, auteur de plusieurs livres sur le sujet de la Trinité, écrit :
« La requête tout à fait légitime de montrer comment notre connaissance de la « Trinité immanente » procède de l’économie du Salut s’accompagne parfois d’un certain »automatisme » peu interrogé. (…) Cela va-t-il vraiment de soi ? Quelle est la part de continuité, voire d’identité, et la part de discontinuité à ménager dans le rapport entre la vie éternelle de la Trinité et son agir salvifique ad extra ? »
Comme je l’ai longuement démontré dans « Une invitation à la danse. La métaphore conjugale dans la Bible[5] », lorsque l’on colle arbitrairement des caractéristiques d’une réalité sur une autre, (ici, on colle une réalité interne à la trinité sur le couple humain), on aboutit toujours à un résultat hasardeux si ce n’est malheureux et faux.
Et là je m’interroge à nouveau : Est-il à ce point […]