Au rayon des fêtes chrétiennes, l’Ascension semble bien mineure. Elle n’a pas l’aura de Noël ni de Pâques, d’autant qu’emprunte de merveilleux et de surnaturel, elle peut rendre mal à l’aise. Quel est son message, comment la représenter en images ou par des mots ? Les textes bibliques sont peu diseurs sur la question. Parmi les quatre Évangiles, seuls Marc et Luc l’évoquent et de manière brève. C’est dans le livre des Actes, écrit aussi par l’évangéliste Luc que l’allusion à l’Ascension est la plus développée : elle est mise en perspective avec la Pentecôte et la venue du Saint-Esprit. C’est pourquoi dans les premiers temps de l’Église jusqu’au Ve siècle, elle est fêtée simultanément avec la Pentecôte.
Comment rendre compte, en images ou en paroles, de ce qui est de l’ordre de la disparition et de la séparation ? Il fut élevé pendant qu’ils le regardaient et une nuée le déroba à leurs yeux. Comment dire en paroles l’absence ? Comment figurer en images l’invisible ?

Une illustration

La représentation de l’Ascension provenant d’un retable de la Chapelle de la Houssaye, situé à Pontivy dans le Morbihan, est à ce titre « parlante ». Ce retable du XVIe siècle, réalisé en pierre calcaire, illustre la vie de Jésus à travers 13 tableaux. Le tableau central est consacré à la crucifixion, le dernier est celui de l’Ascension.
Les œuvres artistique habituelles sur l’Ascension représentent un Christ « en gloire » élevé, bien visible, qui de sa main droite fait le geste de la bénédiction. Étonnamment ici, le sculpteur, ne montre rien de la personne du Christ, sinon ses pieds. Est-ce un choix théologique voulu ou une contrainte technique, faute de place ? La réponse se trouve peut être dans les personnages représentées par l’artiste. Nous trouvons conformément aux récits bibliques, les apôtres ainsi que Marie, les regards tournés vers le ciel. Leurs mains sont pour la plupart levées, comme pour le suivre, comme pour le retenir, comme peut-être pour le supplier de rester encore parmi eux. Leurs visages expriment la stupeur, l’incompréhension, voire la crainte.
À regarder de plus près, un personnage, un seul, fait « face » et ne regarde pas le ciel. Curieusement, il a un visage christique, fait de la main droite le geste de la bénédiction et porte une tunique rouge à la couleur, elle aussi, christique. N’est ce pas le Christ que les apôtres ne voient pas encore et qui est pourtant au milieu d’eux autrement ? Le génie de l’artiste serait à travers ce tableau de l’Ascension, de figurer tout à la fois l’absent, il disparaît au ciel, et le présent, il est parmi eux différemment en particulier par la bénédiction.

Une conviction

Un tableau qui conjugue à la fois l’absence du présent et la présence de l’absent ! Car au moment de l’Ascension, à la fois le Christ disparaît mais aussi se donne. Il échappe à leur regard mais aussi les bénit et promet le Saint-Esprit. Double mouvement qui semble contradictoire mais qui est au cœur de l’expérience de la foi.
Dieu, en même temps qu’il se donne à connaître nous échappe, ou devrions-nous dire à la lumière de l’Ascension, en même temps qu’il nous échappe, il se donne à connaître. C’est l’expérience aussi des disciples d’Emmaüs : Alors leurs yeux s’ouvrirent et ils le reconnurent ; mais il disparut de devant eux. C’est l’expérience fondamentale de la foi et la grâce.
Dieu qui se donne et se rend présent mais que nous ne possédons pas et qui se rend dans le même temps absent.
Alors si la fête de l’Ascension a été retenue par les premiers chrétiens, c’est bien parce qu’elle rejoignait l’expérience quotidienne des croyants. Ils expérimentaient cette apparente absence de Celui qu’il confessait comme Seigneur et Sauveur et en même temps ils se sentaient soutenus, portés par le souffle de l’Esprit.
L’Ascension : une fête centrale de chaque jour pour célébrer l’absent-présent, le « vivant ».

Presse régionale protestante

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