Peut-on vraiment faire de la théologie avec des slogans ? On résume parfois le cœur théologique de la Réforme à la formulation des cinq « slogans » qui ont progressivement émergé au cours des vives disputes qui ont marqué l’essor des protestantismes du XVIe siècle : sola gratia (la grâce seule), sola fide (la foi seule), sola scriptura (l’Écriture seule), solus Christus (le Christ seul) et soli Deo gloria (pour la seule gloire de Dieu). Il faut reconnaître que ces slogans ont d’abord un caractère polémique vis-à-vis de l’Église catholique dont les protestants s’étaient séparés : ils visent à se démarquer des convictions attribuées à la doctrine catholique et cristallisées dans les décrets du Concile de Trente.

Il faut reconnaître que ces slogans ont d’abord un caractère polémique.

« La grâce seule » s’oppose à l’idée d’un libre-arbitre capable de choisir de façon « neutre », par sa propre liberté, entre Dieu et le monde, le péché ayant abîmé et vicié le libre-arbitre ; « la foi seule » s’oppose à l’insistance sur les œuvres méritoires des chrétiens pour obtenir la faveur et le salut de Dieu ; « L’Écriture seule » s’oppose à l’importance donnée à l’autorité de la Tradition ou de l’Église elle-même par ceux qui refusaient les idées réformatrices ; « Christ seul » veut exclure l’introduction de tout autre médiateur entre Dieu et les hommes que Jésus-Christ ; « Pour la seule gloire de Dieu » s’oppose à la célébration des saints, de Marie ou de l’Église, bref, des moyens humains dont Dieu pouvait se servir pour communiquer sa grâce.

Les solas ne sont pas seuls !

Pour autant, il ne faudrait pas en rester à cette interprétation polémique. Il est important de souligner le contenu positif des cinq solas. Ce ne sont pas seulement des formules qui marquent négativement les convictions réformatrices. Elles désignent aussi positivement le contenu de la foi confessée par ceux qui voulaient revenir au cœur de la prédication apostolique.

Il est important de souligner le contenu positif des cinq solas.

Dans les écrits protestants, on peut parfois avoir l’impression que chacun des slogans est utilisé pour lui-même, traité à part, et correspond à une doctrine isolée de la foi protestante. On risque alors de ne pas saisir l’équilibre qui se manifeste dans l’interdépendance des 5 solas. L’accent mis sur l’un ou l’autre des solas a d’ailleurs pu conduire à sous-estimer les autres.

On peut valoriser la grâce, le fait que Dieu accorde sa faveur indépendamment de toute qualité humaine, et qu’il le fait inconditionnellement. C’est très juste, mais cette grâce se comprend à partir de ce qu’elle communique, le salut en Jésus-Christ par la foi seule. De même, la foi seule ne se comprend qu’à la lumière de la « grâce imméritée » (oui, c’est un pléonasme !), au risque de devenir une œuvre. Si le sola scriptura implique un appel à la liberté de conscience, il ne se définit pas à partir de la seule liberté subjective […]