Cette anthropologie dite « trichotomiste », dans sa version contemporaine, réserve à l’âme les activités psychiques (intelligence, émotions, volonté…) et à l’esprit la dimension spirituelle, la relation avec Dieu. Puisque l’intelligence n’est pas située dans l’esprit, on qualifie cette trichotomie d’« irrationaliste ». La trichotomie « rationaliste » (représentée par quelques Pères de l’Église) place, elle, l’intelligence dans l’esprit, au cœur donc de la relation au divin. Il existe aussi une compréhension bipartite de l’humain, la dichotomie. Elle décrit une unique dimension intérieure qui est parfois nommée dans la Bible «âme », « esprit » ou encore « cœur ». Ces termes désignent le même aspect de l’humain avec souvent, mais pas toujours, une connotation particulière. Henri Blocher, ou encore Daniel Lys, montrent que la dichotomie répond mieux aux données bibliques et, à ce titre, elle emporte sans équivoque mon adhésion.
Soit. Mais, finalement, cette question est-elle si importante ? N’est-ce pas un nouveau débat stérile qui n’aurait aucune conséquence sur notre relation à Dieu ? J’évoquerai ici quelques incidences qui me semblent loin d’être anodines sur la spiritualité chrétienne et sur la pratique de l’accompagnement pastoral.
Une certaine spiritualité
Premièrement, je crois que la trichotomie implique un rapport dualiste au monde. Pour la trichotomie rationaliste, l’intelligence, partie supérieure de l’être humain, est appelée à s’élever vers Dieu en se libérant de l’emprise du corps qui l’en éloigne. C’est l’opposition de ces deux principes attribués à des éléments particuliers de notre être que l’on nomme dualisme.
Cependant, la Bible enseigne l’unité de l’humain et la valeur du corps. En effet, Dieu a créé l’humain dans un monde matériel, avec un corps et il a jugé cela « bon ». De plus, Jésus s’est incarné, est monté au ciel avec un corps physique et, à sa suite, nous serons ressuscités corporellement. Pour expliquer cette méprise Henri Blocher constate que « les Pères de l’Église platoniciens se sont mépris en confondant la “chair” des Épîtres pauliniennes avec la corporalité. » C’est ainsi que l’attirance pour le péché s’est trouvée attribuée au corps.
La trichotomie irrationaliste rompt elle aussi l’unité en l’être humain. Je prendrai, à titre d’exemple, le livre de […]