Compte-rendu de Michel Leplay, paru dans la revue LibreSens n°233 de septembre-octobre 2017

Pas plus que la Révolution française, la Réformation protestante ne forme « un bloc ». Il y a dans ces deux séquences fondatrices, comme dans toute grande histoire, une évolution que des ruptures signalent sans la désavouer. Le beau livre de Matthieu Arnold confirme, dans la clarté de son plan et la fluidité de son récit, que malgré les étapes et les dates, un courant continu traverse l’Europe chrétienne du XVIe siècle.

Luther vit en ce temps-là, il est « de son temps », inscrit totalement dans le paysage de son pays, de ses mœurs et de sa culture. Célébrant de messes monastiques puis prédicateur pastoral de l’Évangile, il devient l’artisan et l’artiste d’une intelligence renouvelée de l’Écriture. L’exigence et l’actualité de l’Évangile vont heurter de plein front… le fronton romain de l’Église de pierre, tant elle refuse cette mise en question de ses pratiques plus utiles à la construction de la basilique que vertueuses pour le Royaume des cieux !

Luther souhaitait un dialogue en vérité, une « disputatio », c’est-à-dire un débat dans la noblesse et la courtoisie des échanges académiques. Il n’en sera pas ainsi, et la réplique cardinale des Romains conduit le réformateur de la belle lumière de ses thèses exposées au soleil à la flamme allumée pour le brûlement de la bulle papale. En attendant, au soir de sa vie, les invectives littéralement terrifiantes lancées contre les Turcs ottomans, les juifs récalcitrants et les papistes endiablés…

Nous suivons ainsi, d’année en année, jour après jour, avec les précisions chronologiques de l’historien qui sait tout, comme Luther est « conduit comme un cheval aveugle » mais qui sait où il va puisque Dieu est censé le tenir par la bride. Alors il entre en résistance, venu le moment de la […]