Bernard Pivot, célèbre animateur d’émissions culturelles, partage dans un livre son expérience de la vieillesse (Les mots de ma vie, éditions Albin Michel, 2011) : « J’ai vu le regard des jeunes, des hommes et des femmes dans la force de l’âge qui ne me considéraient plus comme un des leurs (…). J’ai lu dans leurs yeux qu’ils n’auraient plus jamais d’indulgence à mon égard. Qu’ils seraient polis, déférents, louangeurs, mais impitoyables. Sans m’en rendre compte, j’étais entré dans l’apartheid de l’âge. » Face à ce constat, l’auteur apostrophe ses lecteurs par le truchement d’une exhortation dont il a le secret : « Il ne faut pas considérer le temps qui nous reste comme un capital. Mais comme un usufruit dont, tant que nous en sommes capables, il faut jouir sans modération. »

Cette morale est-elle aussi celle de la Bible ? Pour répondre à cette question, il conviendrait de lire plusieurs passages de l’Ancien et du Nouveau Testament. C’est dans le livre de Qohéleth (ou Ecclésiaste) que l’enquête peut démarrer. Sa rédaction est le fruit d’une école de sagesse qui a cherché à réfléchir sur les grandes questions existentielles. On y trouve un portrait imagé des caractéristiques du troisième âge, le tout à travers une série de devinettes (Qo 12, 1-8). Extrait, avec les explications entre crochets : « Souviens-toi de ton créateur,… au jour où tremblent les gardiens de la maison [bras], où se courbent les hommes vigoureux [jambes], où s’arrêtent celles qui meulent, trop peu nombreuses [dents], où perdent leur éclat celles qui regardent par la fenêtre [yeux]… et que le souffle ne retourne à Dieu qui l’avait donné. Vanité des vanités, tout est vanité ». L’idée première est ici de profiter de sa jeunesse mais elle débouche aussi sur l’importance, en toute circonstance, de ne jamais oublier celui en qui s’origine la vie.

Une étape judicieuse pour présenter un regard complémentaire se situe dans les Psaumes. Le psalmiste, pour qui la vie humaine est comparable à celle d’un arbre, affirme (Psaume 92, v. 15-16) : « Même âgé, il fructifie encore, [puis] il reste plein de sève et de verdeur, proclamant la droiture du Seigneur : ‘Il est mon rocher ! En lui pas de détours !’ » Ainsi, après les années (de travail) où l’arbre a produit beaucoup de fruits, suit un temps (de retraite) où il peut encore offrir une qualité d’ombrage grâce à sa verdure qui perdure. Comment ? Eh bien tout simplement en témoignant de l’amour de Dieu longuement expérimenté au cours de son existence. La métaphore tente au final de répondre, et de belle façon, à la terrible question sociale de « l’utilité » des aînés… au soir de leur vie.

Claude Mourlam, pasteur au service d’animation biblique de l’UEPAL