Tillich voit dans le judaïsme un effort pour se libérer du paganisme qui est la religion de la terre ancestrale. Quand Abraham, à l’appel de Dieu, quitte son pays, sa patrie, la maison de son père, il s’arrache à la domination de l’espace pour entrer dans le temps.
Si au lieu de sacraliser et d’opposer leurs contrées respectives, toutes les nations (qui sont bénies en son nom) prennent, comme lui, la route pour se rencontrer, s’ouvrira un avenir pacifié. Cette rupture avec le sol originel, que les antisémites réprouvent et que les nazis ont considéré comme un poison à éliminer, représente pour Tillich une «perle de grand prix» et donne à Israël une valeur incomparable. Qu’Israël soit devenu, après la guerre, un État avec un territoire ne modifie pas la perspective de Tillich. À ses yeux, le judaïsme est avant tout une prédication qui s’adresse à tous les hommes, y compris aux juifs installés ou non dans un pays. Elle appelle à sortir des cloisonnements nationalistes et des enfermements identitaires pour cheminer ensemble vers un monde nouveau, celui de Dieu. Elle concerne les chrétiens qui doivent respecter le judaïsme et recevoir le message dont il est et reste le porteur.
Paul Tillich (1886 – 1965) vit et enseigne en Allemagne jusqu’en 1933. Sa courageuse opposition au nazisme l’oblige à en partir. Il s’installe alors aux Etats-Unis, pays de refuge et d’adoption. Son œuvre est d’une ampleur et d’une importance considérables. Une quinzaine de ses livres ont été publiés en traduction française chez Labor et Fides.