Si la foi n’est pas qu’un fantasme, une projection de désirs infantiles, si Dieu est pour nous une réalité, alors le discours sur Dieu parle de nous, de notre expérience quotidienne. Or celle-ci se fait dans un monde qui est décrit par les lois de la physique et est structuré par la raison, et il faut pouvoir en rendre compte. Ainsi, mieux connaître et la nature et son fonctionnement peut nous aider à mieux comprendre qui est Dieu et à préciser, voire à inspirer, notre théologie et la manière avec laquelle nous habitons le monde et celle avec laquelle Dieu s’y implique… En soi, la difficulté que nous avons de comprendre la mécanique quantique nous enseigne déjà quelque chose d’important : la réalité, même physique, est infiniment plus compliquée que ce que nous en voyons ou comprenons. Nous ne pouvons donc plus dire « Je ne crois que ce que je vois », ni nous fier à notre bon sens, au sens commun, pour pouvoir prétendre dire ce qui est possible ou impossible. Nous pouvons avoir l’impression que le monde matériel est simple, mais il ne l’est pas. Bien sûr, il s’agit, pour la mécanique quantique, du domaine des particules et, si nous ne les expérimentons pas directement, ce sont pourtant elles qui forment notre monde… Le monde ne se réduit donc pas à l’expérience que nous en avons. Et quant à savoir ce qu’il est en lui-même, le sens commun ne fait que nous tromper…

Un monde indéterminé

La première caractéristique de notre monde que nous incite à prendre au sérieux la mécanique quantique, c’est l’importance de l’indétermination. Le monde n’est pas déterminé, les lois physiques ne le verrouillent pas intégralement, il y a des marges d’indétermination même dans le cadre des lois de la physique. Pourtant il ne semble pas que ces indéterminations se résolvent totalement au hasard. Le hasard est un jeu à somme nulle et, à jouer infiniment à pile ou face, on ne gagne rien… à moins que la pièce soit pipée. Et c’est ce que nous observons : il existe dans le monde ce que l’on appelle une orthogénèse, une direction dans laquelle il semble évoluer sans qu’aucune loi physique ne préside à cela.

Il y a là un espace pour imaginer que Dieu puisse être. Cette approche est certainement infiniment plus intéressante que celle vers laquelle s’orientent un bon nombre de chrétiens en allant chercher du côté du Big Bang. L’argument consistant à dire que si l’univers a un commencement absolu, alors il faut bien qu’il y ait quelque être avant ce commencement est des plus discutables. D’abord parce qu’au mieux cela poserait un dieu qui serait celui du déisme, un dieu comme l’horloger de Voltaire, présent au moment de la création, mais pas après. Et ensuite, l’idée d’un commencement absolu de l’univers est de plus en plus discutée par les scientifiques…

Tous liés les uns aux autres

Certainement existe-t-il entre les êtres qui ont quelque chose de fort en commun une origine commune, un lien profond. Cela, nous l’expérimentons d’une manière commune quand on pense à quelqu’un que l’on n’a pas vu depuis des années et qu’à cet instant précis il appelle au téléphone ! Ou cela va dans le sens d’histoires que l’on trouve dans toutes les familles d’une sorte de communication de pensée, de ressenti entre une mère et son enfant, entre deux jumeaux, même à distance.

Cela peut être une justification de la prière d’intercession. Quand on prie pour quelqu’un d’autre, il n’est pas question de réclamer des actions particulières à un dieu tout-puissant qui nous écouterait, mais de se mettre en communication, en communion avec quelqu’un d’autre à travers une unité cosmique qui nous dépasse et nous relie. Ainsi quand on prie pour quelqu’un, aucune information, au sens physique ne circule, pas plus que quand on prie Dieu. Mais on peut croire que, néanmoins, il y a une sorte d’état d’intrication qui fait qu’il y a quelque chose qui circule et qui n’est pas rien. La prière d’intercession n’est pas un acte magique de toute-puissance, il ne s’agit pas, à distance, de recoller une jambe cassée, mais d’utiliser ce lien fondamental qui existe entre des êtres corrélés…

Aujourd’hui, les chrétiens ont peur de dire « Je prie pour toi », à cause d’une sorte d’opinion laïque répandue, alors on dit « Je pense à toi » ou « Je t’envoie de bonnes ondes ». Peu importe en fait, dans tous les cas, ce n’est pas rien ! Et même peut-être infiniment beaucoup !