La résurrection de la chair citée dans la confession de foi du Symbole des apôtres ne fait plus recette dans bien des consciences des chrétiens. Car pour nos contemporains, imaginer un retour matériel et concret à la vie semble tout simplement inconcevable au regard de la science ou de la logique.
Re-surgissement de l’être
C’est ignorer une partie du sens porté par le mot « chair » en hébreu. Les premiers chrétiens, souvent issus du judaïsme comme Paul, étaient pétris du sens hébraïque des mots. Ils ont développé leur approche théologique à partir de là. Le mot « chair » utilisé dans la confession de foi, même si celle-ci est postérieure de quelques siècles aux épîtres de la Bible, désigne une réalité plus large que la chair concrète et signifie plus l’être humain dans son entièreté et son intégrité. En français contemporain, traduire ce mot par « être » serait dès lors légitime.
Par ailleurs, le sens du mot résurrection en grec évoque le réveil, les relevailles, le redressement. La résurrection de la chair peut donc se traduire aujourd’hui par le réveil de l’être, le resurgissement de l’humain quand la réalité de ce monde le tient pour mort. On imagine toute la symbolique que cela peut avoir, y compris dans la vie quotidienne.
Accepter de ne pas maîtriser
Dans cette compréhension, la question d ’une résurrection matérielle de l’être humain après sa mort physique, dont nul ne sait grand-chose même au regard des textes bibliques, appartient à Dieu et à Dieu seul. S’ouvrent alors des possibles pour nourrir la foi contemporaine. Le premier point notable est le mode passif contenu dans le concept de résurrection : on ne ressuscite pas, on est ressuscité. Il ne s’agit donc pas d’une décision humaine, mais d’un constat concernant une action venue de l’extérieur. Ainsi, le chrétien n’est pas celui qui active sa résurrection, mais qui est resuscité à partir d’une force qui lui échappe. Cela fait ici penser à l’action de l’Esprit dans l’être humain, que nul ne peut maîtriser mais qu’il importe de laisser agir en soi.
Advenir plus que devenir
Un deuxième point important apparaît être l’actualité de la résurrection, si l’on considère que la mort concerne un état de vie sans altérité. Lorsque l’humain n’est mû que par lui-même ou le quotidien de sa vie, le considérer symboliquement comme mort-vivant n’est pas illégitime. La résurrection peut alors signifier le resurgissement d’une spiritualité en lui, le retour à une vie d’humain pleinement participant de l’Évangile. La personne qui vit cette résurrection voit le sens de sa vie changer du tout au tout et décrit souvent ce qui lui est arrivé comme une nouvelle vie ou un commencement. Enfin, un autre aspect de la résurrection est la vision d’un futur possible qu’elle engendre. Basée sur l’arrivée imminente du Salut dans l’Apocalypse, cette compréhension accorde une importance particulière à la venue du Christ : « il vient ». Il s’agit plus ici d’une advenue en train de se produire que d’un futur. Pour le croyant, la résurrection concerne alors davantage son advenir que son avenir. Le processus de résurrection est ce qui remet en marche, le travail de Dieu qui crée le mouvement capable de briser la continuité d’une existence et de faire advenir en elle autre chose. Le rôle du chrétien est alors d’accepter ou non cette réalité pour la laisser prendre place dans sa vie.
Dans une compréhension contemporaine, la résurrection de la chair du Symbole des apôtres peut ainsi trouver d’autres sens, finalement très complémentaires des théologies classiques.